Gerard SCHURMANN (1924-2020)

_____Introduction personnelle___Gerard Schurmann a également signé des arrangements de musiques de films de compositeurs tels qu'Alan Rawsthorne pour le BBC Philharmonic et Rumon Gamba, même si, contrairement à Philip Lane, je n'ai pas connaissance qu'il ait réalisé des reconstructions de bandes détruites ou perdues. Mais je connais et apprécie Gerard Schurmann avant tout pour deux de ses propres compositions, plus principalement pour son Concerto pour orchestre par le BBC Philharmonic que je considère parmi les plus beaux du vingtième siècle, tout au moins en fonction de ceux que je connais. Je n'hésite d'ailleurs pas à l'écrire ici: il me fascine autant que celui de Lutoslawski, ce qui n'est pas rien! J'adore le thème-motif principal qui illumine le premier mouvement et réapparaît dans le cinquième, telle une boucle qui se referme sur une oeuvre pleine de couleurs et de vie, superbement orchestrée, offrant de très beaux reliefs à l'orchestre. Le Concerto pour violon et orchestre avec lequel il est couplé est également sympa dans mon souvenir. Une nouvelle écoute s'impose désormais. Pour l'instant, j'ai encore toutes les belles sonorités du Concerto pour orchestre qui résonnent harmonieusement dans ma tête.

           _____Eléments biographiques____Le compositeur Gerard Schurmann est né de parents hollandais dans l'ex-Indes néerlandaises, le 19 janvier 1924. Il a quitté sa maison à un âge précoce et a grandi en Angleterre. Dès l'âge de 21 ans, Schurmann commence à organiser sa carrière de concertiste en tant que pianiste en rapport à sa fonction d'attaché culturel à l'ambassade des Pays-Bas à Londres. Cela a continué pendant plusieurs années jusqu'à ce que Eduard van Beinum, le chef de l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, l'aide à atteindre le poste de chef de l'orchestre résident à la Radio néerlandaise de Hilversum. A la fin de son contrat, il retourne en Angleterre déterminé à consacrer sa vie essentiellement à la composition, ce qui limite désormais ses activités de chef d'orchestre à des apparitions. En 1980, il est invité par le Département d'Etat américain aux orchestres de tournée et des universités aux États-Unis, en partie sponsorisé par le British Council. En 1981, Schürmann a déménagé aux États-Unis, où il s'est installé dans les collines de Hollywood, en Californie. Il continue à recevoir des commissions pour les œuvres de concert et fut un temps associé à l'Orchestre symphonique de Pittsburgh par le conducteur Lorin Maazel qui a présenté sa musique, d'abord avec l'Orchestre de Cleveland, puis à Pittsburgh et ailleurs.

Le Concerto pour violon est beau comme dans mon souvenir mais sans me faire le même effet que son Concerto pour orchestre qui possède selon moi ce quelque chose en plus qui fait la différence. Pourtant, le violon d'Olivier Charlier vogue dans une tonalité qui m'est plutôt flatteuse, mais sans me faire vivre de grandes émotions pour autant. Juste effleuré, caressé dans le sens du poil, sans aucun doute, car il s'agit quand même d'un beau concerto plein d'entrain et qui a son lot d'instants plaisants. En aucun moment je n'ai ressenti le moindre ennui, la moindre lassitude venue aigrir mon écoute. C'est juste que l'oeuvre se déroulait à une certaine distance, comme si d'un côté j'en admirais la forme, la façade, sans ressentir le fond, l'intérieur: à la fois beau et si peu émouvant, esthétique mais pas aussi captivant que son Concerto pour orchestre.  Des trois coeurs de mélomane qui battent dans ma poitrine, je ne lui en accorde qu'un seul.  

Avant de se consacrer à la composition de son Concerto pour violon, Gerard Schurmann réfléchit longuement aux problèmes d'équilibre orchestral posé par un concerto pour violon, en fait il lui fallut quatre ans pour achever cette oeuvre. Trois modèles antérieurs du vingtième siècle lui indiquèrent les voies à suivre et celles à éviter:

     <<J'ai l'impression que le concerto de Schoenberg est un remarquable échec. En elle-même, la musique est merveilleuse et je l'admire énormément. Mais elle ne semble absolument pas faite pour le violon - je l'ai dirigée - à la radio, ce qui la rend plus facile - mais en concert, on ne peut s'empêcher de remarquer que, par essence, le violon a besoin d'être flatté et que cette flatterie doit venir pour l'essentiel ou presque de la tonalité. Berg en a accepté le principe et la série de notes de son Concerto est complètement tonale, construite sur des accords parfaits. Je ne peux vraiment pas concevoir un concerto pour violon réellement dodécaphonique. La seule chose problématique à propos du concerto de Berg, c'est son instrumentation: le chef d'orchestre doit réduire la dynamique de moitié avant de commencer. En revanche, celui de Bartok (l'un des grands concertos à mon avis) est superbement orchestré et j'ai beaucoup appris en le travaillant.>> Gerard Schurmann.

A propos du commentaire de Gerard Schurmann posté plus haut, je n'ai jamais réussi à savoir s"il parle du premier concerto pour violon de Bartok ou du second. Je vais d'ailleurs bientôt écouter le premier par Augustin Dumay et sous la direction de Laurent Petitgirard. Pour l'occasion j'ai réécouté à la suite les deux concertos pour violon composés respectivement par Gerard Schurmann et Arnold Schoenberg, le premier par Olivier Charlier au violon et le compositeur lui-même à la direction d'orchestre, et le second par Hilary Hahn et Esa-Pekka Salonen. Les deux concertos dépassent les trente minutes. Par rapport à l'opinion de Schurmann, on n'est bien sûr pas obligé d'être d'accord avec lui et chacun peut voir le concerto de Schoenberg comme une référence du genre ou non, au même titre que celui de Berg. Si je me fie à mon expérience personnelle, Ils sont rares les concertos pour violon entièrement atonals qui me plaisent, bien qu'il y en a quand même quelques-uns - sont-ils trop difficiles à réussir - notamment le Grand concerto classique de Milko Kelemen et dans un registre moins métaphysique et bien plus ludique, celui de Régis Campo. Toutefois, et quitte à me contredire un peu, je suis assez d'accord avec Schurmann lorsqu'il exprime ce sentiment que le violon doit être flatté par la tonalité. Le Concerto pour violon d'Eric Tanguy, réellement atonal, m'est insupportable, d'une aridité et âpreté excessives. De toute évidence, le violon dans le Concerto de Schurmann est flatté par la tonalité et flatteur par la même occasion. Pourtant, je n'aime que moyennement et l'oeuvre, pourtant ample et expansive, ne me fait pas vivre une grande émotion, de celle qui laisse une marque indélébile. Je l'aime bien, c'est tout. Il n'a pas la réussite de son fabuleux Concerto pour orchestre avec lequel il est couplé. Pour le coup, le Concerto de Schoenberg que j'ai écouté juste après m'a mieux captivé par des jeux de violon et d'orchestre qui se sont entrecroisés de façon plus ludique et même poétique à mon oreille. Au final, moins flatteur que celui de Schurmann, mais plus ludique et captivant par sa grande musicalité.

Icare a écrit:

A propos du commentaire de Gérard Schurmann posté plus haut, je n'ai jamais réussi à savoir s"il parle du premier concerto pour violon de Bartok ou du second. Je vais d'ailleurs bientôt écouter le premier par Augustin Dumay et sous la direction de Laurent Petitgirard.

C'est très probablement le second, car jusque dans les années 1960 on ne parlait que "du" concerto de Bartok, maintenant le second, comme pour Mendelssohn d'ailleurs. Leurs "premiers" concertos sont des oeuvres de jeunesse qui n'étaient même pas jouées auparavant.

joachim a écrit:

Icare a écrit:

A propos du commentaire de Gérard Schurmann posté plus haut, je n'ai jamais réussi à savoir s"il parle du premier concerto pour violon de Bartok ou du second. Je vais d'ailleurs bientôt écouter le premier par Augustin Dumay et sous la direction de Laurent Petitgirard.

C'est très probablement le second, car jusque dans les années 1960 on ne parlait que "du" concerto de Bartok, maintenant le second, comme pour Mendelssohn d'ailleurs. Leurs "premiers" concertos sont des oeuvres de jeunesse qui n'étaient même pas jouées auparavant.

Merci pour cette précision, Joachim.

Catalogue de ses œuvres (source : http://www.gerard-schurmann.com/works.htm )


Orchestre

6 Etudes de Francis Bacon (1968)
Variations (1970)
Attaque etCélébration (1971)
Concerto pour piano (1972-73)
Concerto pour violon (1875-78)
Chansons folkloriques slovaques pour soprano et orchestre (1988)
Les jardins d'exil pour violoncelle et orchestre (1989-90)
Concerto pour orchestre (1994-96)
Homme du ciel, ouverture (1994)
Gaudiana, études symphoniques (2000-2001)
Sonate pour orchestre à cordes (2004)
Romancing the Strings, pour nonet à cordes ou orchestre à cordes (2015)


Musique de chambre

Fantasia (dialogue) pour violoncelle et piano (1967)
Sonatine pour flûte et piano (1968)
Sérénade pour violon seul (1969)
Duo pour violon et piano (1983-84)
Quatuor pour piano et cordes n° 1 (1986)
Ariel pour hautbois solo (1987)
Quatuor pour piano et cordes n° 2 (1997-98)
Moonbird pour flûte ou flûte à bec seule (1998)
Trio pour clarinette, violoncelle et piano (2002)
Quatuor à cordes n° 1 (2003-04)
Partita pour clarinette, violon et piano (2005-06)
Autumn Leaves pour violon et piano (2007)
Canzonetta pour alto et piano (2010)
Quatuor à cordes n° 2 (2011-12)
Deux violons (2015)


Piano

Bagatelles (1945)
Contrastes 1973)
Leotaurus (1973)
Deux Ballades (1981-83)
Quatre Préludes pastoraux (2012)
Memento (2016)


Musique vocale

Chuench'i pour voix aigüe et piano (1966) ou orchestre (1967), sept chansons chinoises traduites par Arthur Waley
Summer is coming, madrigal pour chœur mixte a cappella, poème de Bryan Guiness (1970)
The double Heart, cantate pour chœur mixte a cappella sur des poèmes d'Andrew Marvell (1976)
Piers Ploughman, opéra-cantate en 2 actes pour soli, chœur et orchestre, texte de Schurmann d'après William Langland (1979-80)
Chansons folkloriques slovaques pour voix aigüe et piano (1987)
Six Songs of William Blake pour voix et piano (1956/1997)


Musiques de film

THE BEDFORD INCIDENT (également Suite d'orchestre)
THE LOST CONTINENT (également Suite d'orchestre)
CLARETTA (également Suite d'orchestre)
CONE OF SILENCE (TROUBLE IN THE SKY) (également Suite d'orchestre)
DR SYN alias THE SCARECROW (également Suite d'orchestre)
KONGA (également Suite d'orchestre)
ATTACK ON THE IRON COAST (également Suite d'orchestre : Attack and Celebration))
THE CEREMONY (également Suite d'orchestre)
THE LONG ARM (THE THIRD KEY) (également Suite d'orchestre)
THE TWO-HEADED SPY
MAN IN THE SKY (également Suite d'orchestre)
THE GAMBLER (également Suite d'orchestre)
CAMP ON BLOOD ISLAND
HORRORS OF THE BLACK MUSEUM (également Suite d'orchestre)
DECISION AGAINST TIME
THE RUTHLESS ONE
GHOST TRAIN MURDERS
AUX POSTES DE COMBAT
THE HEADLESS GHOST
GHOST OF DRAGSTRIP HIGH
DAY IN DAY OUT
THE NUMBER SEVEN
THE LIVING EARTH
BUT NOT IN VAIN
SOIXANTE MINUTES D'HORREUR
SCOTLAND YARD GHOST STORIES
L'INCORRIGIBLE
CHEF DE RESEAU
THE SHUNNED HOUSE
LAURENCE
EN BLANC ET NOIR
SOS SCOTLAND YARD
BESCH
THE DESPERATE MAN
THE WITNESS
DIARY OF A HIGHSCHOOL DROPOUT
PAYROLL


Télévision

THE SCARECROW OF ROMNEY MARSH (Walt Disney - Mini Series)


Orchestrations


LAWRENCE OF ARABIA (Maurice Jarre)

EXODUS (Ernest Gold)

THE VIKINGS (Mario Nascimbene)

PANDORA AND THE FLYING DUTCHMAN (Alan Rawsthorne)

THE CRUEL SEA (Alan Rawsthorne)

LEASE OF LIFE (Alan Rawsthorne)

WHERE NO VULTURES FLY (Alan Rawsthorne)

CROSS OF IRON (Ernest Gold)

SAFARI 2000 (Ernest Gold)





https://www.youtube.com/watch?v=JIKtck_iEGU

Gérard Schurmann s'est éteint tout récemment, le 24 mars 2020 à Los Angeles. Je cherche à découvrir un peu de sa musique de film et quelques autres oeuvres de concert que celles que je connais déjà.

C'est d'avoir appris sa mort récente qui m'a donné envie de réécouter les deux oeuvres que je connais de Gerard Schurmann, le Concerto pour orchestre et le Concerto pour violon par le "BBC Philharmonic" sous la direction de son auteur et avec le violoniste Olivier Charlier. Malgré ma grande admiration pour son Concerto pour orchestre auquel je porte le même intérêt qu'à celui de Lutoslawski, ce qui n'est pas peu dire, je n'ai jusqu'à aujourd'hui jamais cherché à approfondir ce compositeur. La raison est banale et concerne la continuelle quête du mélomane. Je découvre et redécouvre d'autres musiques et d'autres compositeurs en même temps et des sélections s'opèrent, des priorités s'imposent en fonction des goûts et des aspirations du moment, une vie ordinaire de mélomane, rien de plus. Ce n'était pas un style musical qui me stimulait autant qu'un Toru Takemitsu ou un Peter Sculthorpe, par exemple. Certes, j'ai toujours été émerveillé par l'architecture et la tonicité du Concerto pour orchestre, émerveillement qui d'ailleurs ne s'est pas émoussé d'un iota aujourd'hui, suffisamment en tout cas pour avoir envie de découvrir certaines de ses compositions un de ces quatre, de sa musique de chambre, son Concerto pour piano, pourquoi pas Les Jardins de l'Exil pour violoncelle et orchestre - rien que le titre donne envie - de son oeuvre chorale avec ou sans solistes et de sa musique de film: je sais qu'il existe au minimum une compilation de ses travaux pour le Septième Art dans une excellente collection dirigée par Rumon Gamba avec le "BBC Philharmonic", le même orchestre qui a interprété son Concerto pour orchestre, ainsi que son Concerto pour violon qui, petit-à-petit, fait son bonhomme de chemin en moi. Je crois qu'il a définitivement conquis mon coeur, que je ressens une meilleure proximité avec le violon d'Olivier Charlier. Quelque-part, c'est sans doute une oeuvre qui ne se livre pas aussi vite que le concerto pour orchestre. Il est vrai que dans celui-ci, le motif principal qui intervient dans le premier mouvement et réapparaît avec la même intensité dans le dernier (intitulé "Le grand Concert"), me fut de séduction immédiate, il m'avait spontanément transporté dans un "symphonisme" galopant et irisé. D'une certaine façon, il est l'identité du concerto. Dans le Concerto pour violon, c'est très différent, rien de réellement spontané, tout semble réfléchi, étudié, peaufiné, néanmoins, le "Lento tranquillo" de la seconde partie s'est révélé ce moment exquis que j'espérais.