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Sujet: Régis CAMPO, né en 1968 2013-08-09, 18:39
Parmi les nouvelles générations de compositeurs français, disons parmi celles qui sont nées aux alentours de 1960, Régis Campo est peut-être celui qui m'intéresse le plus. Il y a bien sûr aussi Thierry Pécou qui m'intéresse beaucoup - certaines de ses oeuvres sont vraiment très belles - puis j'attends de découvrir d'autres oeuvres de François Narboni...J'ai découvert Régis Campo, il y a plusieurs années de cela, au travers de sept compositions. Ce fut, à l'époque, un achat uniquement conditionné par l'intuition et la curiosité, à une époque où les forums d'internet n'étaient encore qu'une fiction et où le nom de Campo n'apparaissait nulle-part.
La première oeuvre que j'ai découverte est Commedia pour 19 musiciens (1995). Sans me coller au plafond, cette oeuvre m'a séduit par sa construction, ses coloris et sa fraîcheur, même si j'ai eu l'impression - disons d'ailleurs que je l'ai à chaque écoute - d'une ascension (avec souvent une domination des vents) qui se répète de façon assez ludique: c'est vivant!
Epiphanie pour violoncelle seul (1996) ne m'a pas marqué. Je me suis senti distant à ce jeu-là mais il faut dire que les oeuvres pour violoncelle seul qui me transportent sont rares. Evidemment, côté classique, il y a celles de J. S. Bach, la somptueuse sonate de Kodaly, côté contemporain, le viscéral Riflessi d'Ennio Morricone et les superbes pièces composées et interprétées par le compositeur belge Jean-Paul Dessy de seulement 5 ans plus vieux que Régis Campo, et réunies sous le titre de Prophètes.
Le Concerto de chambre pour 7 musiciens (1996) se divise en trois mouvements. Le premier, truculent et animé, m'a aussitôt séduit, un peu pour les mêmes raisons que Commedia. Le second apparaît comme une musique plus minimaliste et énigmatique alors que le troisième s'anime davantage, un peu à l'instar du premier mais avec peut-être moins de truculence.
Ambrées pour 5 musiciens (1995), ne me transporte pas beaucoup, sauf peut-être vers la fin. En revanche, Anima pour 6 musiciens me captive beaucoup plus, telle une alchimie dynamique et ludique qui finit par m'ensorceler.
Sonate n°1 "Les couleurs" pour orgue (1996) est un diamant aux belles teintes qui contribue à me faire aimer ce fascinant et extraordinaire instrument.
Globalement, voilà sept oeuvres qui m'ont permis de découvrir une facette de la personnalité musicale de Régis Campo. Aucune d'elle ne m'a réellement collé au plafond, toutefois, elles m'ont suffisamment diverti et intéressé pour me donner envie d'approfondir ce musicien, ce qui me permit de me procurer d'autres oeuvres plus intéressantes encore et me permet, par la même occasion, de réaliser ainsi un cycle-portrait à son nom. J'ai déjà hâte de redécouvrir les autres oeuvres que j'ai désormais en ma possession et que j'avais délaissées depuis déjà trop longtemps!
Dernière édition par Icare le 2018-03-04, 19:04, édité 1 fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2013-08-09, 19:11
Eléments biographiques:
Régis Campo est un compositeur français né à Marseille en 1968. Après des études de composition avec Georges Boeuf et Jacques Charpentier, il poursuit ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans les classes de composition d'Alain Bancquart et de Gérard Grisey où il obtient le Premier Prix de Composition. Considéré par Edison Denisov comme l'un des compositeurs les plus doués de sa génération, il reçoit en 1996 le Prix Gaudéamus pour son oeuvre "Commedia". La même année, le Premier Prix, le Prix spécial jeune compositeur et le Prix du Public du Troisième Concours International de Composition "Henri Dutilleux" lui sont décernés pour son "Quintette de Cuivre". Les oeuvres de Régis Campo sont jouées fréquemment en France et d'en divers pays tels que la Grèce, l'Italie, l'Allemagne, la Russie, les Pays-Bas, la Belgique, le Japon... Le catalogue de ses oeuvres aborde des formations instrumentales ou vocales très différentes tant dans le domaine de la musique de concert que dans la musique de scène et de film. En se démarquant des esthétiques de chapelles ou d'écoles, sa démarche de compositeur se caractérise par une attention toute particulière à la mélodie et par une grande vitalité dans le tempo, préoccupation que l'on retrouve très nettement dans les oeuvres comme "Fahel" pour piano et 11 musiciens, "Commedia" pour 19 musiciens, "Anima" pour 6 musiciens ou encore son "Concerto de Chambre" pour 7 musiciens.
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2013-08-09, 20:08
Les oeuvres que je vais réécouter dans les heures et jours qui viennent, sont:
__Concerto pour piano et orchestre. __Music to Hear pour 7 voix et 5 instruments __Pop-Art pour flûte, clarinette, violon, alto, violoncelle et piano
___Concerto pour violon et ensemble ___Kinderball pour piano solo ___Livre de Sonates pour orgue ___Rondo, version pour saxophone ténor, percussion et célesta
__Zapp'Art pour 12 saxophones et glockenspiel __Deux sonneries pour orgue __Les Métronomes détraqués pour deux violoncelles __Andante pour flûte en sol, violoncelle et piano __Fantaisie N°3 pour violoncelle __Epiphanie pour violoncelle __Le Pie-Vert pour piccolo et piano __Capriccio pour orgue __Deux Mouvements pour violoncelle et piano __Scherzo pour flûte, violoncelle et piano __Phénix pour flûte seule __Sphinx pour flûte en sol __Wow! pour flûte et piano __Les Astres pour orchestre
___Les Heures Maléfiques, Quatuor à cordes n°1 ___Ombra Felice, Quatuor à cordes n°3 ___Quatuor à cordes n°2 ___The Life & Soul of the Imagined Landscape pour 3 quatuors à cordes.
J'ai déjà réécouté:
__Commedia pour 19 musiciens __Epiphanie pour violoncelle seul __Concerto de chambre pour 7 musiciens __Ambrée pour 5 musiciens __Anima pour 6 musiciens __Sonate n°2 "Les couleurs" pour orgue seul
Dernière édition par Icare le 2013-08-14, 21:15, édité 3 fois
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2013-08-09, 23:18
Avec Régis Campo, ma volonté d'approfondissement m'a tout simplement permis de trouver un compositeur contemporain à ma dimension, moderne mais pas hermétique ni intelligible. Son Concerto pour violon fut, encore une fois, jubilatoire à mes oreilles. J'ai adoré toute la structure sonore qui gravitait autour du violon solo, les combinaisons instrumentales aux effets attrayants et originaux - "sorte de concerto baroque déjanté fait de souffle, de danses et de gesticulation" comme le dit le compositeur - l'oeuvre prend même un caractère tantôt hésitant, tantôt obsessionnel. Je le considère déjà comme l'un des meilleurs concertos pour violon de la seconde moitié du XXème siècle parmi ceux que je connais bien sûr.
J'ai également aimé à différents degrés les autres oeuvres avec lesquelles il est couplé; Kinderball pour piano, surtout Le Livre de Sonates pour orgue que je trouve d'une grande beauté et Rondo pour saxophone ténor, percussion et célesta.
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2013-08-11, 22:27
<<"Je compose souvent en allegro, en scherzo, en allegro vivace" - proclame Régis Campo - au risque de passer pour un naïf, un provocateur, voire un compositeur inconséquent dans une époque troublée où la Grande Faucheuse semble reprendre ses droits sur la vie avec ses morts "sonnantes et trébuchantes". Les flagellants sont de retour! Si le requiem avec son cortège de litanies et autres lamentos envahit le paysage musical d'Est en Ouest, j'ai décidé d'être à l'épicentre du bonheur. La bonne humeur musicale serait-elle aujourd'hui à bannir? >>
Régis Campo.
Outre un style musical très personnel, ludique, virtuose et corrosif, c'est exactement du bonheur que j'ai ressenti à l'écoute d'oeuvres telles que Zapp'Art, Deux Mouvements pour violoncelle et piano, Les Astres pour orchestre,, mais aussi avec son formidable Concerto pour piano et orchestre ou encore Pop-Art.
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2014-11-27, 12:31
<<Avec Régis Campo, ma volonté d'approfondissement m'a tout simplement permis de trouver un compositeur contemporain à ma dimension, moderne mais pas hermétique ni intelligible. Son Concerto pour violon fut, encore une fois, jubilatoire à mes oreilles. J'ai adoré toute la structure sonore qui gravitait autour du violon solo, les combinaisons instrumentales aux effets attrayants et originaux - "sorte de concerto baroque déjanté fait de souffle, de danses et de gesticulation" comme le dit le compositeur - l'oeuvre prend même un caractère tantôt hésitant, tantôt obsessionnel. Je le considère déjà comme l'un des meilleurs concertos pour violon de la seconde moitié du XXème siècle parmi ceux que je connais bien sûr.
Un des meilleurs concertos pour violon à partir de la seconde moitié du XXème siècle, pas pour sa beauté au sens classique du terme avec ses grands thèmes élégiaques qui vous maintiennent suspendus, davantage pour son caractère moderniste plein de trouvailles sonores, de fièvres et de fougues, plein d'insolite et d'insolence, pourvu d'un sens extrêmement ludique (à mon oreille) de la dérision, autant d'éléments correspondant à la forte personnalité musicale de Régis Campo qui me rendent le tout jubilatoire. Avec Campo, j'ai parfois l'impression, à l'instar d'un Kagel, d'une musique un peu fofolle qui se rit d'elle-même, ce qui ne signifie pas qu'elle se limite à cette particularité.
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2018-03-04, 19:46
L'envie de retrouver l'univers souvent ludique de Régis Campo se faisait sentir. Il y a un bon moment que je n'avais rien réécouté de lui. C'est désormais chose faite, tout d'abord avec trois quatuors à cordes: Les Heures Maléfiques (2005-2007), Ombra Felice (2007), puis celui qui s'intitule tout simplement Quatuor à cordes n°2 (2006), le premier étant dédié au quatuor YSAYE et répondant à une commande du festival Beethoven, le second étant dédié au quatuor ELIAS et répondant à une commande des concerts ProQuartet et le troisième étant dédié au quatuor DIOTIMA et répondant à une commande du festival du Périgord Noir. En conclusion, une pièce magnifique de sept minutes pour trois quatuors à cordes; The life & soul of his imagined landscape (2009). Le premier quatuor, Les heures maléfiques, emploie une riche palette de sonorités vives et sèches, ce qui crée une singulière ambiance de cordes tendues et de bois creux selon un jeu souvent nerveux des instrumentistes. C'est souvent ce caractère ludique que je recherche chez Régis Campo, mais il y a autre chose qui m'interpelle dans sa musique, un mélange de force et de fragilité, de virilité et de féminité, d'ombre et de lumière. L'ombre et la lumière s'entremêlent-ils dans le "Notturno" et l'"Adagio tranquillo" du troisième quatuor. Le compositeur nous dit une chose intéressante, je cite: <<Je pense à Kurosawa et Fellini dès que se mettent à "souffler" les bruits d'archets du Quatuor à cordes n°2 - le vent suggéré couvre les rumeurs du monde réél - le souffle prépare une séquence onirique - ce sont alors des théâtres hantés, suspendus dans le temps.>> Pas sûr que cela apporterait un éclairage ou, du moins, un indice sur le style de ce quatuor pour quelqu'un qui ne l'aurait pas encore écouté, mais, curieusement, ces "théâtres hantés suspendus dans le temps" me sont davantage apparus dans The life & soul of his imagined landscape qui, d'une certaine manière, s'impose à mes oreilles comme l'épilogue crédible des trois quatuors, aussi symboliquement puisqu'il est séduisant d'imaginer qu'il invite dans une habile superposition, DIOTIMA, ELIAS et YSAYE.
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2018-03-04, 22:43
Icare a écrit:
Le compositeur nous dit une chose intéressante, je cite: <<Je pense à Kurosawa et Fellini dès que se mettent à "souffler" les bruits d'archets du Quatuor à cordes n°2 - le vent suggéré couvre les rumeurs du monde réél - le souffle prépare une séquence onirique - ce sont alors des théâtres hantés, suspendus dans le temps.>>
Pour compléter mon propos, j'apprécie toujours lorsqu'un compositeur se réfère, d'une manière ou d'une autre, au Septième Art, même si celui-ci n'a jamais ou très peu composé pour l'image. C'est un lien qui me plait, une référence qui me parle. Je me souviens d'un seul film mis en musique par Régis Campo: Une enfance volée : L'Affaire Finaly, un téléfilm français de Fabrice Genestal, diffusé pour la première fois le 25 novembre 2008 sur France 2. Evidemment, je n'ai vu ce film qu'une seule fois et dix ans environ se sont écoulés depuis. Le vague souvenir que je conserve de la musique de Campo est une petite formation instrumentale, un quatuor à cordes, me semble-t-il ou peut-être un quintette, en tout cas une petite formation chambriste où les cordes tenaient le rôle principal.
Le synopsis (Wikipédia):
En 1944, deux enfants en bas âge, Gérald et Robert, sont cachés dans une crèche de Grenoble alors que leurs parents juifs sont déportés. À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, la tante des deux petits tente de retrouver la trace de ses neveux. Elle fait appel à Moïse Keller, un vieil ami vivant à Grenoble. Celui-ci trouve rapidement la trace de Gérald et Robert. Mais il se heurte à l'hostilité d'Antoinette Brun, la tutrice officielle des garçons. En effet, celle-ci refuse catégoriquement de les confier à leur tante. Usant de tous les stratagèmes à sa disposition, Antoinette Brun obtient même l'appui des notables locaux. Lorsqu'elle fait baptiser Gérald et Robert, le scandale éclate. Et l'affaire finit devant les tribunaux.
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2018-09-30, 19:52
Des sons secs et vifs, notamment par les percussions, c'est une situation sonore qui exerce sur moi un maintien d'attention continuel, un excellent réseau de motifs exaltants qui donnent l'impression burlesque de dégringoler les escaliers. Le violon d'Angel Gimeno, entre moments d'hésitation et l'assurance d'un prédateur expérimenté, dévore l'espace-proie au sein d'une matière sonore agitée, intense, traversée sur tous ses flans d'éléments furtifs et répétés, incisifs et perforants. Le concerto devient assez vite une créature obsessionnelle et insaisissable. il y a un balancement dans sa partie la plus dépouillée, la plus suspendue. Ce n'est plus le violon qui est dans l'hésitation à cet instant précis mais les différents éléments de l'ensemble instrumental qui se raréfient temporairement. Après une belle montée en intensité, le balancement obsessionnel reviendra d'une manière plus significative, le point culminant du concerto pour violon de Régis Campo, mon oeuvre-fétiche du compositeur. Ce point culminant prendra, au fil du balancement, une dimension presque burlesque, évoluant dans une forme de dérision à la limite de la démesure. Insolite. J'adore!
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2018-10-23, 20:58
Exquis! Voilà qui attise ma curiosité. Un compositeur que j'adore qui parle si bien d'un autre compositeur que j'adore.
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2019-05-04, 23:21
Intéressant et très drôle le theremin Tiens Icare, as-tu eu l'occasion d'écouter la composition de Campo en "hommage affectueux et excentrique au maestro Morricone" ? je suppose que oui, mais tu n'en dis rien il me semble ?
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2019-05-05, 16:26
laudec a écrit:
Intéressant et très drôle le theremin Tiens Icare, as-tu eu l'occasion d'écouter la composition de Campo en "hommage affectueux et excentrique au maestro Morricone" ? je suppose que oui, mais tu n'en dis rien il me semble ?
Je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter cet hommage.
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2020-08-13, 08:33
Un entretien:
https://www.youtube.com/watch?v=FSOpIuLCokQ
Street Art
https://www.youtube.com/watch?v=q7oB2dsmRmw
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2021-10-22, 19:51
Street-Art: l'état vif:
<<Le philosophe américain Richard Shusterman, évoquant le hip-hop ou le graffiti, parlait d'un art à l'état vif: un art qui n'énonce pas ses principes a priori mais se situe toujours dans un lieu, un moment et ses enjeux. Il en va de la nature même de l'urbain et de son art. La grande ville est mouvante, elle ne se laisse pas saisir dans une forme fixe. Elle nous surprend toujours au détour d'une avenue, d'une heure, d'une saison, d'une année à l'autre, et ses innombrables fenêtres nous donnent l'heure. Aussi le "street-art" ne pourra-t-il qu'être labile, ses principes esthétiques variables, ce qui ne l'empêche pas de trouver une forme de clarté, une consistance formelle et existentielle. Pour Shusterman, tout art peut se revendiquer de l'"état vif" quand il assume cet ancrage dans l'expérience et sa labilité. Aussi, peu importe les tensions qui traversent "Street-Art" de Régis Campo, interprété ici par l'ensemble TM+ sous la direction de Laurent Cuniot: tension entre discours musical savant et formes populaires, entre sophistication des modes de jeu et spontanéité de l'expression, et qui hérite peut-être d'un compositeur comme Ennio Morricone, dont l'influence l'a durablement marqué. Tension serait ici, plutôt, transversalité entre différents régimes du discours musical, qui autorise l'accueil de multiples influences (de Steve Reich, John Cage et Gérard Grisey à Leonard Bernstein), mais aussi entre des états musicaux hétérogènes, d'une certaine violence à une extrême douceur, d'une vivacité parfois taquine à une tendresse feutrée... Il s'agit de s'ajuster à aujourd'hui, à cet urbain où nous vivons sous plusieurs régimes, sous plusieurs tempi et modes de jeu: frénésie de nos tâches quotidiennes, courses concentrées et alertes, contemplations lascives, parfois doucement tristes.Pauline Nadrigny (extrait)
Lorsque j'écoute la musique de Régis Campo, surtout lorsque j'écoute une oeuvre aussi frénétique que Street-Art, je m'imagine déambuler dans une ville de nuit, d'un lampadaire à l'autre, ébloui aussi bien par les spots publicitaires, les vitrines que par les phares d'automobiles. Beaucoup de pollutions visuelles et sonores dans une grande ville comme Paris (par exemple), mais là, j'étais enivré par toutes ces lumières qui s'agitaient autour de moi à la manière d'un ballet multicolore. Et en même temps si heureux de vivre à ce moment-là, si joyeux lorsque ces sons et rythmes rieurs me traversent de tous les côtés. Je déambule dans une ville qui danse, n'en finit pas de danser, comme dansent les graffitis sur les murs dès que des notes infatigables d'un délire musical parfaitement maîtrisé s'agite dans mon crâne et déborde de mon corps transi. Bien sûr, sa musique n'est pas uniquement vouée à une folie musicale obsessionnelle qui absorbe tout sur son passage, un grand déchaînement de pure frénésie qui fait danser les gens, les murs, les lampadaires et même les étoiles dans le ciel. Il y a des choses très différentes comme Sometimes with the heart (2016) pour voix et piano, Oh Sweet Kisses!! (2012) pour clarinette en si b, Morgenstern-lieder (2015) pour voix et piano sur des poèmes de Christian Morgenstern, Erotique rotative (2015) pour piano, et un magnifique morceau pour ensemble instrumental intitulé Une solitude de l'espace (2009-2017). J'y reviendrai plus en détail lors d'une prochaine approche de l'album qui contient aussi Pop-Art pour six musiciens (2001-2002), Steamy Punk (2017-19) pour flûte seule et Rivi Simplicitate (2013) pour piano.
Icare Admin
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Sujet: Re: Régis CAMPO, né en 1968 2021-11-07, 18:15
Je ne pouvais absolument pas contourner, dans ce cycle réunissant des compositeurs nés entre 1960 et 1969, Régis Campo qui est avec Dimitri Yanov-Yanovsky et Jean-Paul Dessy le compositeur qui m'intéresse le plus durant cette décennie. Pour le représenter dans ce cycle, j'ai choisi l'oeuvre que je considère comme fétiche, son Concerto pour violon et ensemble (1997), par Angel Gimeno et le "Niew Ensemble d'Amsterdam". J'aime la fantaisie qui habite pratiquement toute la musique de Régis Campo, une fantaisie composée de ludisme et de pulsations avec un caractère obsessionnel, un élément essentiel de son style qui nourrit durablement la fascination que je lui porte. Je sais qu'après la découverte de ce concerto pour violon, j'eus très envie d'approfondir son oeuvre et de faire l'acquisition des albums qui paraissaient de lui. C'était davantage qu'une musique découverte au hasard de mes choix, c'était une fascinante personnalité musicale que je découvrais.
Voilà ce que j'avais déjà écrit sur ce concerto:
Des sons secs et vifs, notamment par les percussions, c'est une situation sonore qui exerce sur moi un maintien d'attention continuel, un excellent réseau de motifs exaltants qui donnent l'impression burlesque de dégringoler les escaliers. Le violon d'Angel Gimeno, entre moments d'hésitation et l'assurance d'un prédateur expérimenté, dévore l'espace-proie au sein d'une matière sonore agitée, intense, traversée sur tous ses flans d'éléments furtifs et répétés, incisifs et perforants. Le concerto devient assez vite une créature obsessionnelle et insaisissable. il y a un balancement dans sa partie la plus dépouillée, la plus suspendue. Ce n'est plus le violon qui est dans l'hésitation à cet instant précis mais les différents éléments de l'ensemble instrumental qui se raréfient temporairement. Après une belle montée en intensité, le balancement obsessionnel reviendra d'une manière plus significative, le point culminant du concerto pour violon de Régis Campo, mon oeuvre-fétiche du compositeur. Ce point culminant prendra, au fil du balancement, une dimension presque burlesque, évoluant dans une forme de dérision à la limite de la démesure. Insolite. J'adore!