François NARBONI (né en 1963)

Comment définir la musique ou plutôt le style musical de François Narboni?

C'est une musique pleine de sons brillants et vifs qui, tels de petits êtres vivants, s'animent et s'agitent entre le burlesque de leurs cris et l'étrangeté de leurs bruits. Je n'en avais pas réellement pris conscience lors des premières approches, mais l'humour et le ludisme sont très présents dans son oeuvre, surtout à l'écoute de Le Plérôme des Eons (1998) pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano et Les Animals (1996) pour contrebasse principale, ensemble instrumental et cris d'animaux échantillonnés. On y entend des tourbillons, des jaillissements, des frottements de cordes plus ou moins audibles, comme une grande mécanique déréglée, pulsive et impulsive,  évoluant dans une tension quasi-permanente et adoptant des tournures obsessionnelles, tournures que l'on décèle aussi dans Heldenplatz (1998) pour contrebasse et électronique et Pandémonium (1988) pour clavecin non accompagné.

L'instrument, sous les doigts de Claire Boden, y est déchaîné, comme emporté dans une cadence d'enfer par le diable du rythme, un déferlement de vie qui semble faire vibrer chaque touche, chaque corde du clavecin, bien après que les mains se soient définitivement écartées du clavier. Le climat musical y est électrique et électrisant. Les vibrations perdurent alors que le clavecin s'est tu: c'est un peu comme le court motif lunaire de la clarinette dans son oeuvre, peut-être la plus poétique, L'Allante Heure (2005) qui se répète à l'infini avec le soutien extrêmement minimaliste d'un quatuor à cordes. C'est sans aucun doute la composition la plus sobre et rêveuse des cinq proposées ici, celle qui vous emporte sur un nuage bleu-nuit vers les cieux étoilés, celle qui leste votre âme de toutes les contrariétés de l'existence, celle qui m'a fait voyager dans une dimension inaccessible au commun des mortels par une grande économie de moyens, une musique proche de l'épure, presque statique, à l'évolution subtile.

Mais permettez-moi de revenir un instant sur l'oeuvre-clé, celle où s'agitent bois et cuivres dans un concert zoologique truffé de sons sauvages et burlesques, où les sons les plus voraces y dévorent les plus chétifs! Le jazz semble se dessiner dans les rythmes de Les Animals où la contrebasse y est un peu, d'une certaine façon, le roi d'une jungle sonore formidablement animée par des cris d'animaux, qu'il s'agisse de cris échantillonnés ou d'imitations par les instruments...Ce que j'y entends aussi, ce sont peut-être les rires musicaux d'un musicien ludique et terriblement original; la jungle rieuse s'achèvera sur le zzzzzzz d'une mouche et le claquement sec et meurtrier d'une tapette.

Eléments biographiques: (wikipédia)

François Narboni est un compositeur français né à Paris en 1963. Depuis 1999, il est professeur d'analyse et de composition au conservatoire de Metz et a été nommé directeur du département jazz à la rentrée 2007. Il se passionne pour la musique dès son plus jeune âge où il commence l'apprentissage instrumental par la guitare puis les percussions. Dans son adolescence, il s'oriente essentiellement vers le jazz (batterie et vibraphone) même s'il effectue un cursus classique de percussion dans un conservatoire d'arrondissement puis dans un conservatoire national de région.
Parallèlement à la pratique du jazz qu'il mènera jusqu'à un niveau professionnel, il ne cesse d'écrire de la musique. Après un voyage aux États-Unis en 1982, il décide de se consacrer essentiellement à la composition. D'abord autodidacte dans ce domaine, il effectue ensuite quatre années d'études d'écriture musicale auprès d'Yvonne Desportes tout en travaillant come arrangeur de studio et en écrivant des musiques de scène pour le Carré Sylvia Montfort (Paris).

Plus tard, il entre au Conservatoire de Paris où il étudie avec Betsy Jolas, Paul Méfano et Michaël Levinas. Il y obtient un Premier Prix de Composition à l'unanimité. il complète sa formation par une Maîtrise de musicologie obtenue à Paris-Sorbonne (Paris IV) et par un voyage en Inde où il étudie les tablas.
En 1998, il effectue le cursus de composition et d'informatique musicale de l'IRCAM. François Narboni est boursier de la Casa Velàzquez à Madrid et lauréat de la Villa Médicis hors-les-Murs à New York ainsi que de deux prix internationaux de composition. Il est titulaire du Diplôme d'État de Jazz et du Certificat d'Aptitude de professeur chargé de Direction.

En 2000, son opéra-spectacle Ko-Ko s'est vu décerner le Prix de l'Académie des beaux-arts. La musique de François Narboni a été jouée en France et à l'étranger par le Trio Italiano Contemporaneo, les ensembles 2E2M, Itinéraire, Court-circuit, Ensemble Pyxis, Intercontemporain, Stravinski, Fa, Ictus, Symblêma, Soli-Tutti/Futurs-Musiques, le Devlet Senfoni Orkestrasi, l'Orchestre Colonne, l'orchestre national de Lyon, l'Orchestre National de Lille, l'Orchestre philharmonique de Radio France. Elle a fait l'objet de commandes de la part de nombreuses institutions ; État français, Radio-France, Université Paris VIII, Musique Nouvelle en Liberté, IRCAM, Gmem.

François Narboni est l'auteur d'une trentaine d'œuvres allant de la pièce soliste au grand orchestre, utilisant la voix et l'électronique. il travaille aussi régulièrement avec le théâtre, le cinéma et la danse et s'est récemment orienté vers le design sonore avec une installation électro-acoustique permanente réalisée sur le Parc Archéologique Européen de Bliesbruck-Reinheim (Lorraine).
Il travaille ensuite à la musique de Paul Claudel ou le drame de la conversion, oratorio théâtral d'Antoine Juliens qui sera créé à la Cathédrale Notre-Dame de Paris, le 1er mars 2005, avec Robert Hossein comme récitant. Par la suite, il achève la composition de son premier quatuor à cordes (un projet monumental avec électronique et vidéo) pour le festival Les Musiques à Marseille au mois de mai de la même année. Parmi ses autres créations, figurent un Concerto pour violon commandé par l'Orchestre national de Lorraine (création en janvier 2006) et une adaptation musicale de Under Milk Wood de Dylan Thomas avec le metteur en scène Antoine Juliens (création prévue à l'automne 2006).
La création de son nouvel opéra " Au bois lactée " aura lieu courant janvier 2008 a l'opéra-théâtre de Metz et comprend comme souvent, une formation des plus originales : chœur, accordéon, percussions et danse.