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 Chabrier : Briseïs

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joachim
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joachim

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MessageSujet: Chabrier : Briseïs   Chabrier : Briseïs EmptyVen 24 Fév 2012 - 5:59

Chabrier : Briseïs Cover_15


Article repris sur le site d'Hypérion : http://www.hyperion-records.co.uk/al.asp?al=CDA66803

Goethe fit allusion à sa ballade Die Braut von Korinth («La Fiancée de Corinthe») comme étant son «poème de vampire». Il est vrai qu’on y retrouve un élément macabre assez puissant pour avoir troublé quelques-uns des plus sérieux contemporains du poète, qui ressentaient qu’un grand esprit comme le sien aurait dû se consacrer à des choses plus importantes. Mais on trouve aussi certains points importants dans cette œuvre, le plus intéressant d’entre eux étant, au point de vue de l’opéra, le Liebestod rudimentaire présenté à la fin. Pour être finalement unis par le mariage leur ayant été refusé de leur vivant, la fiancée assoiffée de sang et son époux-victime sont envoyés, à la demande de cette dernière, aux flammes du bûcher funéraire. Leur destin—divisé comme à Corinthe entre les convertis de la nouvelle religion chrétienne du refus de soi, et les adhérents au culte des dieux olympiens toujours en place, amants du plaisir—symbolise, de façon bizarrement extrême, la lutte qui se produit au sein d’une civilisation lorsqu’une croyance est en déclin et qu’elle est remplacée par une autre.


Durant les cent années séparant la publication de Die Braut von Korinth et la première représentation (posthume) de l’acte complet de Briséïs de Chabrier, la ballade de Goethe avait acquis un certain pouvoir de culte mineur auprès des écrivains et compositeurs français. Camille du Locle l’avait transformée en un livret pour La Fiancée de Corinthe de Duprato, présentée à l’Opéra de Paris en 1867; Anatole France avait écrit un drame en vers, Les Noces corinthiennes, une célébration franche du paganisme, en 1879 (Henri Büsser en fit un opéra quarante-trois ans plus tard); et quant à Ephraïm Mikhaël, il avait collaboré avec son collègue symboliste Bernard Lazare à une «légende dramatique» en trois actes, La Fiancée de Corinthe, présentée à Paris en 1888.

Alors que Chabrier commençait à travailler sur ce récit, l’élément Liebestod était devenu le point culminant et principal. Le vampire avait disparu, remplacé par une fiancée revenue d’entre les morts pour réclamer son époux tant promis, tout comme dans la ballade de Goethe, mais cette fois sans aucune intention prédatrice. Ces deux développements avaient été incorporés à La Fiancée de Corinthe de Mikhaël et Lazare, qui, malgré la nouvelle structure et les nouveaux personnages qui s’ensuivraient, constitue clairement la base de Briséïs. Ce qui fait le raffinement significatif de l’opéra—introduit, vraisemblablement, par Catulle Mendès—est la mère, convertie au christianisme, qui condamne sa fille païenne à une vie de chasteté en tant qu’épouse du Christ, non seulement pour sauver sa propre personne, mais aussi pour lui donner la possibilité de poursuivre son travail missionnaire parmi les Grecs non convertis. Le point le plus important, l’union des amants dans la mort à la fin de Briséïs, inspire une réconciliation entre les éléments conflictuels du christianisme et du paganisme.

Le contexte de la collaboration entre Mikhaël, Mendès et Chabrier est obscur, mais il n’est pas si difficile de deviner ce qui se produisit sans doute. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si, par exemple, la première référence enregistrée de Chabrier concernant le projet de Briséïs date de 1888, l’année même où La Fiancée de Corinthe de Mikhaël et Lazare fut publiée à Paris—et dédiée à nul autre que Catulle Mendès. Il est tout à fait possible que Mendès, prenant conscience du potentiel lyrique de la «légende dramatique», ait proposé à Mikhaël sa collaboration dans la création d’un livret sur le même sujet, et en ait suggéré l’idée à Chabrier. Ce fut certainement en avril 1888 que le compositeur écrivit à Ernest van Dyck (le ténor belge à qui Chabrier avait fait répéter son rôle pour la première représentation à Paris de Lohengrin en 1887, et qui était alors très demandé pour les rôles wagnériens en Allemagne) pour lui annoncer que même si «je n’ai pas encore le livret dont j’ai toujours rêvé, nous y travaillons ardemment et—c’est un secret, n’en parlez pas à personne, vous seul êtes au courant de ceci—il sera écrit par Catulle Mendès, le seul homme capable de composer un véritable drame lyrique».

Si Chabrier avait surestimé les capacités littéraires de Mendès, il n’était pas le seul parmi ses contemporains. Debussy aurait bientôt l’occasion d’entrevoir, derrière la réputation en vogue (comme Dukas le décrivit plus tard), le «bric-à-brac parnassien» sous-jacent, lorsqu’il abandonna sa collaboration malavisée avec Mendès pour Rodrigue et Chimène en 1892. Mais Chabrier était plutôt satisfait du «très beau vers» que Mendès avait écrit pour Gwendoline, leur premier projet d’opéra, et il était sûr que Briséïs—qu’il décrivait comme «une paraphrase en trois actes et quatre tableaux de la ballade La Fiancée de Corinthe de Goethe»—serait «tendre, émouvant, et extrêmement passionné».

Déclarant que sa partition serait d’un modernisme du dernier cri, Chabrier confessa qu’il ne savait pas encore si elle serait française, mais il était sûr qu’elle ne serait pas wagnérienne. «J’ai essayé de m’inoculer de l’esthétique de l’homme à l’âge de bronze», déclara-t-il, «mais jamais de sa musique.» En fait, sa musique est, au point de vue harmonique, dix ans en avance sur son temps, et aussi très française, à l’exception des passages où elle rappelle Wagner de façon trop apparente, principalement lors des modulations les plus significativement saisissantes, ainsi que dans la forme de quelques-uns des leitmotiv.

Au mois d’août 1888, Chabrier croyait que seize mois lui suffiraient pour terminer Briséïs. Six ans et un mois plus tard, il mourut après avoir achevé le premier acte, et n’avoir laissé que quelques ébauches plus ou moins difficiles à déchiffrer pour les épisodes suivants de l’opéra.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles Chabrier ne réussit pas à atteindre ce qu’il considérait comme le point culminant de sa carrière. Des retards s’annoncèrent très tôt, causés par le manque apparent de volonté de Mikhaël à se mettre au travail, ce que le compositeur trouvait insupportablement irritant (mais s’il avait su que le malheureux poète allait s’éteindre aux premiers stades de leur collaboration, à l’âge de vingt-quatre ans, il aurait certainement été plus compréhensif). Chabrier était également confronté à des problèmes financiers à cette époque; alors, malgré ses talents médiocres pour l’enseignement, il dut donner des leçons et passer du temps à composer de la musique qu’il pourrait ensuite vendre sans difficulté—de là la composition de quelques-unes de ses plus belles mélodies, comprenant une mise en musique de L’île heureuse de Mikhaël et ses chants de ferme d’après les paroles d’Edmond Rostand et de Rosemonde Gérard. Il devait continuer à voyager en Allemagne où, en grande partie grâce aux efforts de Felix Mottl, ses opéras étaient beaucoup plus demandés qu’en France. La santé déjà délicate de sa femme se détériorait. Le plus grave de tout fut que sa vieille nourrice, Nanine, qu’il adorait plus que tout et qui avait vécu avec lui tout au long de sa vie, mourut en 1891, le laissant incapable de travailler pendant des mois.

Peut-être aurait-il pu faire face à ces situations si seulement le problème de base que causait sa maladie finale n’avait pas contrecarré inexorablement tous les efforts suprêmes qu’il fournissait pour exploiter au maximum ses ressources créatives. Lors d’une visite à Bayreuth en 1889, il avait assisté pour la première fois à une représentation de Parsifal, et trouva cela grandiose: «On se retrouve après chaque acte absolument rempli d’admiration, saisi, affolé, des larmes coulant le long des joues.» Si ses premières ambitions pour Briséïs n’avaient pas été de nature «parsifalesque», elles l’étaient certainement désormais. Mais, alors qu’il s’efforçait de travailler sur une échelle structurale et morale d’une envergure jamais envisagée auparavant, la paralysie associée à la phase terminale de la syphilis s’insinuait en lui.

Alors même qu’il terminait la composition du premier acte, Chabrier semblait ressentir qu’il ne pourrait se rendre beaucoup plus loin: «Mottl pourrait interpréter le premier acte, dont je viens juste de terminer l’orchestration avant-hier», écrivait-il à Van Dyck en Allemagne, le 29 septembre 1890. «J’ai travaillé à m’en casser les reins», ajouta-t-il sans élégance, mais de façon inquiétante. Il joua ce qu’il avait composé de l’œuvre à ses amis à Paris et partit s’installer à La Membrolle, sa retraite de campagne en Touraine, «pour se cacher comme un animal malade».

Ce ne fut qu’à la fin du mois de mars 1894—après une période de plusieurs années passées principalement à La Membrolle, où il pouvait à peine supporter de laisser la partition de sa «chère Briséïs» hors de sa vue—qu’il abandonna finalement le projet et demanda à Vincent d’Indy, le plus capable parmi ses amis compositeurs, d’entreprendre le reste de la composition de l’œuvre pour lui. Cependant, lorsque celui-ci fut finalement appelé à faire le travail, il dut, malgré toutes ses bonnes intentions, abandonner sa promesse. Il avait été effaré de constater que ce qu’il avait pris pour un simple travail d’orchestration était en fait un labeur de composition avec seulement quelques ébauches fragmentées; et, de toute façon, il aurait été impossible qu’il ait pu travailler avec le livret de Mendès.

Les descendants de Chabrier n’obtinrent pas plus de succès avec Antoine Mariotte, Alfred Bruneau, Claude Debussy, Georges Enescu ou Maurice Ravel, qui furent tous invités à terminer l’œuvre à un moment ou à un autre. Mais, comme le compositeur en était lui-même conscient, et comme d’Indy l’avait aussi fait remarquer: «Ce qui existe de Briséïs peut être parfaitement joué et chanté en concert, et sera très intéressant sous cette forme.» Le premier acte fut, en fait, présenté au grand public par Charles Lamoureux lors d’un concert commémoratif en l’honneur de Chabrier, à Paris, le 31 janvier 1897. La première représentation sur scène eut lieu à Berlin en janvier 1899 sous la direction du célèbre Richard Strauss (qui semble s’être quelque peu souvenu de l’œuvre à l’époque où il se mit à composer sa Salome) et la première production de l’Opéra de Paris débuta quatre mois plus tard.

Cet enregistrement provient d’un concert donné lors du Festival D’Edimbourg de 1994, au Usher Hall; c’est le premier concert jamais présenté en Grande-Bretagne, et le premier en tous lieux depuis longtemps.

Scène 1
Malgré les grandes ambitions structurelles de Briséïs, Chabrier préféra quand même construire ses scènes en une succession de sections séparables (sinon exactement séparées). Alors qu’il rejetait la «déclamation» wagnérienne, qu’il considérait extrêmement ennuyeuse, il insista néanmoins à tisser un réseau wagnérien de leitmotiv à travers ses textures orchestrales. Comme il le confessa, ce fut un «travail long et ardu» impliquant «la contorsion et la tournure» de thèmes qu’il était déterminé à ne pas présenter en une succession littérale de répétitions.

Quels que soient les problèmes, la motivation de Chabrier ne semblait rarement être autre que spontanée. Une fraîcheur apparente, par exemple, est présente dans les sixtes ascendantes et descendantes du chant serein des matelots au début, et le motif «Briséïs»—présenté par les cordes au moment où Hylas mentionne pour la première fois son nom, alors répété sous différentes formes de variantes précédant sa première apparition—est aussi gracieux qu’il est bref. Le message douloureux des harmonies associé à la première évocation par Briséïs de sa mère malade est exprimé clairement par le premier tritone. Mais contrairement à cela, l’identité du dieu—chrétien ou olympien—qui a offert à Thanastô un soulagement temporaire à sa maladie, et qui est brièvement représenté par une mélodie clairement diatonique dans l’orchestre, n’est pas, à ce moment, rendue de façon claire et précise. L’invocation d’Eros par Hylas, les intervalles de sa partition vocale s’agrandissant peu à peu au-dessus d’un ostinato d’octaves qui définissent l’étendue de l’œuvre, est une expression extraordinaire d’énergie païenne.

Scène 2
L’un des motifs les plus wagnériens de Chabrier est celui qui, débutant à la basse et bondissant en quintes et quartes, accompagne les serments de Hylas et de Briséïs tandis qu’ils jurent par «l’auguste Kypris» (ou Aphrodite) de s’aimer l’un l’autre jusqu’à leurs derniers jours. De façon plus typique chez Chabrier, et encore plus significative dramatiquement, la phrase legato descendante à trois notes associée avec l’insistance, apparemment excentrique mais en fait de mauvais augure, indique que l’amour se doit de survivre au-delà de la mort et de la tombe. Les échos de la joyeuse attente des amants de leur mariage—Briséïs chantant sur les rives, Hylas depuis le bateau—sont combinés avec les répétitions variées du chant des matelots tandis qu’ils partent à nouveau en mer. Plusieurs des thèmes présentés sont révisés dans l’interlude orchestral accompagnant les réflexions de Briséïs, alors qu’elle est laissée seule à la fin de la scène.

Scène 3
Les tritones douloureux réapparaissent au début de la troisième scène, dans l’orchestre ainsi que dans les exclamations du chœur de «Hélas!». Un ou deux autres motifs douloureux associés à Thanastô font plus clairement contraste avec la tendresse de la mélodie qui symbolise l’amour de la fille pour sa mère, tandis que Briséïs s’adresse à Thanastô pour la première fois dans «Mère, qui me portais …» Mais la mélodie la plus mémorable de la scène—et potentiellement l’un des thèmes principaux de l’opéra—est la marche triomphante que, dans son zèle missionnaire, chante deux fois Thanastô sur les paroles «Pour qu’au jour des moissons superbes». Si la présence ici d’un clair écho de la Chanson de l’alouette de l’œuvre Le Roi malgré lui est extrêmement curieuse, la signification d’un nouveau motif de serment en tierces mineures descendantes, présenté alors que Briséïs promet de donner sa vie pour sauver sa mère, n’est que trop claire.

Scène 4
La dernière scène—l’effort créatif suprême de Chabrier—débute par un développement orchestral et une apothéose chorale d’un simple thème diatonique brièvement anticipé plus tôt et maintenant associé avec Apollon. Le Catéchiste entre avec son propre motif dans une fanfare de trompettes et prie pour Thanastô dans un chant grégorien. Mais loin d’insister sur la différence entre les deux, Chabrier combine les thèmes chrétien et apollinien en un grand geste orchestral oecuménique. Le chemin est alors pavé pour une réconciliation finale entre les croyances parmi les dieux de l’Olympe, maintenant invoqués avec des harmonies impériales par Stratoklès, et le message chrétien radieux du Catéchiste. Cependant, aucune perspective de réconciliation n’est envisageable concernant le dilemme que Briséïs doit affronter. Après un conflit entre les motifs représentant les deux serments, le sien à Hylas et celui de sa mère à Dieu, elle se voit dans l’obligation de se soumettre à ce dernier et est condamnée à une vie de chasteté, accompagnée par la mélodie représentant son amour pour sa mère et le thème de marche triomphante de celle-ci.

Dans son petit livre sur Chabrier, plein d’affection charmante, mais aussi souvent trompeur, François Poulenc fournit une brève (et inexacte) description des événements jusqu’à présent, et ajoute, «Je ne sais pas quelles actions se seraient déroulées dans les prochains actes». Mais la réponse se trouve dans le livret, qui fut publié en entier (avec la partition vocale du premier acte) en 1897. Une fois qu’elle prononce les serments chrétiens nécessaires pour sauver sa mère, Briséïs se donne la mort, et demande alors à Hylas de la rejoindre dans sa tombe nuptiale—qui, après avoir respiré l’arôme mortel des fleurs qu’elle lui a offertes—le fait joyeusement, à l’étonnement des Chrétiens tout comme des païens.

Gerald Larner © 1995
Français: Isabelle Dubois


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germou

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MessageSujet: Charlemagne et Vercingétorix !   Chabrier : Briseïs EmptyLun 4 Fév 2013 - 5:10

Si j'ai bien compris le scénario de Briséis (Homère étant de 800 ans avJC) celle-ci, esclave d'Achille, se retrouve avec des Chrétiens (1er siècle apJC) ? Bon passons sur le texte.

Pour la musique, j'avoue découvrir cette œuvre que je défie d'identifier comme étant de Chabrier dans une écoute en aveugle, sauf d'une bonne connaissance de l'Etoile.
Certain que Chabrier avait de la réserve de créativité quand il a quitté trop tôt cette terre. C'est le genre de question, sans doute stupide, du genre Bizet après Carmen, Offenbach après les Contes d'Hoffmann, ...
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