Article tiré de https://www.rtbf.be/article/la-viole-de-gambe-est-elle-l-ancetre-du-violoncelle-10979468?utm_campaign=Musiq%273_%2004-05-2022&utm_medium=email&utm_source=newsletter
Dans quelques jours commencera la deuxième édition du Concours Reine Elisabeth consacré au violoncelle. En prélude à ce grand événement, Clément Holvoet se pose la question "La viole de gambe est-elle l’ancêtre du violoncelle ?"
Pour répondre à cette question, il faut remonter le temps jusqu’à la fin du XVe siècle. C’est à ce moment que l’on date la naissance de la famille des violes de gambes. Sauf que c’est presque en même temps (un peu plus tard à dire vrai) que l’on date la naissance de la famille des violons. Ceci répond donc partiellement à la question : la viole de gambe n’est PAS l’ancêtre direct du violoncelle – qui appartient donc à la famille des violons. Contrairement à une idée reçue, la famille des violes de gambe et la famille des violons sont deux familles d’instruments distinctes qui ont gentiment coexisté mais qui ne se confondent pas. Pour être précis, la famille des violes disparaît avant sa cousine, la famille des violons. Fin XVIIIe, en réalité, c’en était fini pour les violes.
Il faut alors attendre le renouveau de l’engouement pour la musique baroque sur instruments anciens pour voir réapparaître les violes, vers la fin du XXe siècle. La viole de gambe se place entre les genoux, comme son nom l’indique, gamba étant le mot italien pour jambes. Un petit air de famille avec le violoncelle, qui se place aussi entre les jambes.
La forme aussi est, grosso modo, ressemblante. Mais les différences sont nombreuses ! La première, de taille, est que le manche de la viole de gambe est parsemé de frettes, c’est-à-dire de barrettes de métal placées à intervalles réguliers, le long du manche, pour délimiter l’emplacement des notes. C’est exactement ce qu’on retrouve sur toutes les guitares.
Sur le violoncelle, même si les instrumentistes le souhaiteraient peut-être parfois, il n’y a pas de frettes. Le manche est lisse et dépourvu de repères. L’emplacement des notes doit s’apprendre avec l’habitude et le travail. Autre différence majeure entre la viole de gambe et le violoncelle : le nombre de cordes. Elles sont au nombre de quatre sur le violoncelle, et six pour la viole de gambe, même parfois sept pour la basse de viole. Car, comme pour la famille des violons, celle des violes de gambes a aussi plusieurs membres, de la plus aiguë à la plus grave. Celle qui se rapproche le plus du violoncelle étant la basse de viole ou viole de gambe basse.
Notez bien que toutes ces violes de gambes, qu’importe leur taille, se jouent entre les genoux. En somme, la viole de gambe n’est donc pas l’ancêtre du violoncelle, et se révèle finalement plus proche du luth ou de la guitare, mais avec un archet évidemment, ce qui permet de jouer des sons tenus. La tête de l’instrument était généralement sculptée pour y présenter un visage humain, pour évoquer le fait que l’instrument se rapprochait fortement de la voix humaine.
Le grand maître de la musique pour viole de gambe, c’est un certain Marin Marais, dont la vie est contée par Alain Corneau dans son chef-d’œuvre cinématographique "Tous les matins du monde" d’après le roman éponyme de Pascal Quignard.
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Tout le monde a l’image bien en tête ! Les violoncellistes jouent assis, et leur instrument est lié au sol par une pique, en général plantée dans une planche en bois ou directement sur le plancher, ce qui fait que l’instrument est bien stable. Mais cet accessoire n’a pas toujours été présent. Clément Holvoet nous en dit plus sur cet élément du violoncelle.
Parmi les ancêtres du violoncelle, on retrouve tout d’abord le rebec, petit instrument médiéval à cordes et à archet, et puis également la basse de violon, instrument à cordes frottées un peu plus grand qu’un violoncelle.
L’origine du violoncelle n’est donc pas, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la viole de gambe. Leur aspect est très similaire en effet, on les tient entre les jambes, mais les deux instruments ont coexisté, l’un ne découlant pas de l’autre. D’ailleurs, la viole de gambe se joue toujours sans pique, dans la même position que le violoncelle.
Tout est parti du rebec, instrument du Moyen-âge, puis de la basse de violon au XVIe siècle qui, petit à petit, va devenir de plus en plus grande ! Ensuite, les luthiers ont dû faire un pas en arrière et revenir à des dimensions plus raisonnables car le manche des basses de violon devenait trop grand et la technique pour en jouer devenait, elle impossible, les écarts étant inadaptés à la main.
La forme et la taille se sont ensuite fixées définitivement avec Andrea Amati, luthier à Crémone, premier d’une grande lignée de luthier, dont le petit-fils, Niccolò Amati sera certainement le plus célèbre.
Avec Andrea Amati, le violoncelle trouve sa forme moderne mais n’est toujours pas pourvu d’une pique.
Cette dernière est absente des violoncelles durant toute la période baroque. Elle apparaît au XIXe siècle avec un violoncelliste belge, Adrien Servais, qui a introduit la pique dans les années 1830. Il a emprunté l’idée aux bassistes pour soutenir son Stradivarius qui était très large. Il faudra attendre un certain Auguste Franchomme pour que l’usage se répande. Franchomme fait de cette tige de métal ou de bois la référence, pour une raison simple, il était virtuose de son instrument et les compositions devenaient de plus en plus complexes techniquement.
Il faut dire que la complexité des pièces résidait dans les mouvements de la main gauche, devenant plus amples, plus grands. Les pièces composées requièrent alors plus de vélocité et de dextérité de la part des interprètes. Comment faire, dès lors, si le violoncelle est bloqué par les deux jambes, dans une position peu confortable et laborieuse ? Il fallait libérer les instrumentistes de cette contrainte, et tige de métal qui relie le violoncelle au sol, était la solution. Elle permet aussi une position plus horizontale du violoncelle, ce qui augmente encore les possibilités techniques sur la touche de l’instrument, avec la main gauche.
Le paroxysme de cette pique de violoncelle est celle inventée par le violoncelliste français Paul Tortelier au XXe siècle, et qui est en fait construite en angle droit, ce qui couche littéralement le violoncelle à l’horizontal !