Élève depuis six ans à la prestigieuse école du Bolchoï, Michelle Willems, 17 ans, est une danseuse française qui s’est parfaitement incorporée aux exigences de la culture chorégraphique russe. Rencontre avec la plus russe des ballerines françaises.
Veste en cuir noir, t-shirt blanc, jeans… Jusque-là, Michelle Willems, danseuse à l’école du Bolchoï, ressemble à n’importe quelle jeune fille de son âge. Seul un « chignon ballerine » trahit sa vocation. Mais, quand elle se met à marcher, on devine la grâce et la légèreté d’une étoile née. Michelle balance ses jambes comme si elle dansait, se tient parfaitement droite et mesure ses gestes avec délicatesse.
On comprend tout de suite pourquoi la seule danseuse française de l’école du Bolchoï jusqu’à cette année a échappé aux trois examens d’admission devant la commission officielle. Les jeunes sont normalement soumis à une visite médicale, à un examen morphologique et physique ainsi qu’à un contrôle académique. Un test obligatoire pour accéder à cette école de rigueur et d’exigence. Mais Michelle a gardé des liens étroits avec Katia Anapolskaïa, son ancien professeur de danse lors de son premier séjour à Moscou (1999- 2002). A cette époque, Michelle travaille ses premiers entrechats à la Royal Academy of danse à Bangkok. Mais en avril 2005, alors qu’elle est de passage à Moscou, elle revoit Katia Anapolskaïa qui lui propose de « tester » son niveau à l’école du Bolchoï. « On vous attend en septembre ! », avait annoncé, par la suite, la directrice de l’école. Non, la petite fille de 11 ans ne s’y attendait pas. « Nous ne pensions pas qu’elle aurait le niveau », raconte Anne, sa mère. Il faut croire que si, surtout que Michelle a été prise d’office en 2e année. Une place à l’école de danse du Bolchoï, cela ne se refuse pas. C’est alors que toute la famille quitte la Thaïlande pour venir s’installer-de nouveau- en Russie.
L’internat de l’école du Bolchoï : une nouvelle vie
Michelle a choisi de vivre en internat pour ne « pas perdre de temps dans les transports en commun ». Sa mère ajoute que « l’atmosphère de l’internat lui a plu tout de suite ». Se sentir comprise et être entourée par des camarades vivant de la même passion était primordial pour la petite fille qui était, confie Anne, « marginalisée à l’école ». Accaparée par les nombreuses répétitions de danse, Michelle « passait à côté de toutes les fêtes organisées par ses camarades ». Privée de vie sociale, Michelle a trouvé son équilibre en pension. Mis à part le dimanche qu’elle « passe avec sa famille », elle partage le quotidien des 400 élèves de l’école du Bolchoï. Cinq heures de danse ajoutées au cursus scolaire ordinaire : le tout en une journée. De septembre à juin et du lundi au samedi de 9h à 17h30 environ, il faut être au top dans tous les domaines : « Lorsque je suis fatiguée, c’est très dur moralement », confie Michelle qui sait qu’elle ne peut pas baisser les bras, même quand « les répétitions n’en finissent pas ». Mais la joie vient vite après l’effort : « Danser est une véritable satisfaction ». Pour jouir de ce bien-être, Michelle doit se dépasser chaque jour. Certains de ses professeurs l’ont fait pleurer, oui, mais « c’est pour notre bien », soutient Michelle. Tous les professeurs de l’école de danse du Bolchoï sont exigeants. Certains sont « très durs », mais « ils nous aiment », s’exclame-t-elle en souriant. « En Russie, les professeurs s’investissent dans l’enfant », indique Anne en soulignant que ce pays « offre d’énormes possibilités » pour le développement des talents de chacun d’entre eux.
Les différents cours de danse permettent à Michelle de découvrir ce qu’elle préfère et d’aiguiser ses talents. « Les cours de caractère et de répertoire sont mes favoris car nous dansons réellement », dévoile celle qui s’est si bien intégrée à cette école russe qu’elle a réussi à faire oublier à ses camarades qu’elle est Française. Dans le premier, elle apprend des danses folkloriques, et le second lui fait découvrir différents types de variations comme celles de Marius Petipa. Michelle excelle particulièrement en danse moderne dont elle a commencé l’apprentissage dès ses neuf ans en Thaïlande. Michelle Willems est « très belle [un constat partagé par les élèves de l’école qui l’ont élu Vice Miss beauté 2010, ndlr] et a la capacité d’être une bonne danseuse », assure Elena Nikolaevna Vatoulia, son professeur de danse classique, avant d’ajouter que « cela dépendra toujours de la qualité de son travail ». Même si Michelle « a particulièrement progressé cette année », rien n’est acquis. Une danseuse qui ne travaille pas régulièrement n’a aucune chance de percer. De même pour celle qui n’a pas la mentalité appropriée à ce métier d’exigence. Michelle en a pleinement conscience : « Vous pouvez avoir un physique idéal, si vous n’avez pas la force mentale de supporter toute la charge de travail et la pression, vous n’y arriverez jamais », explique-t-elle.
Une vie de sacrifice
À ces efforts s’ajoutent des normes de poids drastiques, à respecter sous peine d’être renvoyé. Pourtant, « l’école ne propose pas de régime approprié », s’indigne la maman de Michelle qui soutient sa fille en lui préparant des plats équilibrés pour la semaine. Contrairement à certaines de ses camarades qui sont visiblement en sous-poids, Michelle, qui dit être « une des plus grosses de sa classe », est une jeune adolescente pleine de vie. Certes, il y a eu des bas. « À certaines périodes, je faisais le yoyo, ça inquiétait ma mère », confie-t-elle. Mais « son poids s’est stabilisé », soutient sa professeur Elena Vatoulia. Et l’avis de ses enseignants compte énormément ! « J’aime mieux me faire gronder que d’être ignorée », confie la jeune fille.
Ces difficultés ne sont que certaines parmi d’autres. Il faut encore aff ronter la concurrence, particulièrement terrible dans ce genre d’établissements. Pourtant, Michelle semble être épargnée. Les neuf filles et cinq garçons de sa classe s’entendent bien, se soutiennent même, et la rivalité n’est pas vraiment perceptible. Ensemble, ils répètent La Fille mal gardée, ballet-pantomime champêtre de Jean Bercher, dit Dauberval. Le 22 septembre dernier, jour de son anniversaire, elle a appris qu’elle partirait en tournée en Grèce, et peut-être à Milan. Mais avant, elle portera son rôle sur la nouvelle scène du Bolchoï. Monter sur la scène la plus prestigieuse de Moscou n’est pas une première pour la jeune danseuse. En janvier 2010, elle avait été sélectionnée pour interpréter la Valse des fleurs de Casse-noisette lors du Gala Pestov.
Le Bolchoï, une aubaine de courte durée. Une place hautement privilégiée et réservée aux danseurs de nationalité russe. Pas désespérée pour autant, Michelle prévoit déjà de quitter la Russie pour l’Europe. Et pourquoi pas « faire un stage d’un an à l’Opéra national de Paris ». Celle qui n’a jamais vécu en France veut être la meilleure pour éviter de passer sa carrière dans des corps de ballet. On l’aura deviné, Michelle veut être soliste. Son but ? Suivre les pas de ses modèles Polina Semionova, Svetlana Zakharova ou encore Natalia Ossipova. Mais aussi « danser des ballets modernes », déclare-t-elle.
En parallèle, elle aimerait s’inscrire en fac de langues étrangères (facile pour la jeune fille, parfaitement bilingue en russe et français et qui se débrouille bien en anglais). Oui, parce que, Michelle, 17 ans, pense déjà à sa retraite ! Elle doute de vouloir être professeur à son tour, à ses 45 ans (âge de la retraite des danseuses) : « Je ne suis pas assez patiente », avoue-t-elle. Il lui reste deux ans pour faire ses preuves et passer l’examen ultime. Des représentants de compagnies russes viendront choisir leurs futurs danseurs. Lucide sur la dure réalité du monde du spectacle, Michelle laissera ses rêves européens de côté si un représentant lui fait une « proposition intéressante » : elle acceptera.
Michelle Willems en 8 dates
22 septembre 1993 : Naissance à Bruxelles
1998 : Naissance de sa vocation lors d’une représentation du ballet Le Lac des Cygnes de Tchaïkovski, à Almaty au Kazakhstan.
De 1999 à 2002 : Premier séjour en Russie. Michelle prend des cours de danse avec Katia Anapolskaïa.
De 2002 à 2005 : Séjour en Thaïlande. Entrée à l’école principale de danse de Bangkok (Royal Academy of danse of London)
1er septembre 2005 : Entrée à l’école de danse du Bolchoï
2005 : Obtient un rôle de petite fille dans le Corsaire de Grigorovitch, joué au Kremlin
10 janvier 2010 : Fait partie du corps de ballet dans La valse des fleurs de Casse-noissette à l’occasion du Gala Pestov.
Les critères d’admission à l’école du Bolchoï
Les jeunes danseurs qui veulent accéder à l’école du Bolchoï devront franchir trois étapes devant la commission officielle.
La première est l’examen médical. Le cœur, la respiration, les yeux, les oreilles, la colonne vertébrale, la forme du « cou-de-pied » sont méticuleusement examinés.
La deuxième étape est un examen physique. Il repère l’aptitude morphologique des candidas pour la danse. Il faut posséder de longs bras, de longues jambes, une belle nuque, une petite tête…Sont examinées aussi leur souplesse, la position des jambes, la forme des pieds, ect…
La troisième étape est l’examen académique. Il se penche sur la coordination, la tonicité, la capacité à sauter, la façon de marcher et le sens musical de l’enfant. Seulement 22 garçons et 22 filles peuvent espérer à la suite de ces examens, devenir danseurs et danseuses de l’école du Bolchoï.
Les différents cours de danse de l’école du Bolchoï
Les cours théoriques : Histoire de la danse, Histoire de la musique, Histoire du théâtre
Les cours pratiques : Danse classique, Danse moderne, Danse de caractère (folklorique), Danse de répertoire, Danse de pas de deux (en couple), Cours d’expression corporelle