Josep Soler (1935-2022)

Josep Soler i Sardà (né à Vilafranca del Penedès - province de Barcelone - le 25 mars 1935 et mort le 9 octobre 2022 à Barcelone) est un compositeur, écrivain et théoricien de la musique catalan, considéré comme l'un des plus importants auteurs de musique contemporaine de son pays.

Josep Soler a reçu sa première formation à Vilafranca -jusqu'au Baccalauréat- au sein d'une famille bourgeoise qui se consacrait au commerce de l'industrie des céréales. Cependant, il a manifesté une forte vocation artistique pour la composition dès la petite enfance.

Soler a commencé ses études musicales auprès de Rosa Lara dans sa ville natale, puis ensuite (en 1960) il est allé à Paris et a reçu les conseils de René Leibowitz, élève de Arnold Schoenberg, Anton Webern et Maurice Ravel. Son maître principal, cependant, sera Cristòfor Taltabull, qui était un élève de Max Reger.

Il a accompli un intense travail pédagogique, principalement hors des milieux dits "académiques", tout en possédant une large expérience éducative exercée au Conservatorio Municipal de Música de Barcelona et au Conservatoire Professionnel de Musique de Badalona, qu'il a dirigé jusqu'en juin 2010.

Sa musique est marquée par sa filiation esthétique avec la musique allemande, par un profond sentiment religieux et un caractère nettement pessimiste qui cependant laisse une porte ouverte au salut, suivant le commentaire d'Ángel Medina dans son essai sur l'auteur "Josep Soler: música de la pasión".
Soler a commencé avec un style strictement dodécaphonique qui aboutit à une atonalité libre influencée par l'expressionnisme de Gustav Mahler, Richard Strauss et la Seconde école de Vienne, dans laquelle il faut souligner l'influence d'Alban Berg. À partir des années 90, il a développé un système harmonique personnel basé sur l'accord de Tristan et l'accord mystique d'Alexandre Scriabine.

En 2013, Soler a reçu la médaille d'or du mérite des beaux-arts décernée par le ministère espagnol de la Culture. Il a refusé cet honneur, déclarant :

"Accepter la reconnaissance signifierait accepter l'autorité du gouvernement espagnol, et je ne veux rien savoir du ministre Wert ou du gouvernement Rajoy, car ils ne s'intéressent pas du tout à la culture ou à l'éducation."



Œuvres musicales

16 Opéras, dont:

La Tentation de St Antoine (1964)
Agamemnon (1968)
Oedipus et Iocasta (1972) sur un texte de Sénèque. Créé au Gran Teatro del Liceo en 1986 et avant en 1974 interprété comme un oratorio au Palau de la Música Catalana
Jesús de Nazaret (1974/2004)
La Belle et la Bête (1982)
Neron (1985)
Murillo (1989) opéra de chambre sur un texte de Rainer Maria Rilke
Macbeth (1990)
Frankenstein (1996)
El mayor monstruo, los celos (1999) sur un texte de Calderón de la Barca
El jardín de las delicias (2004) sur un texte de Jacint Verdaguer
Instrumentation et édition de Pepita Jiménez, de Isaac Albéniz

Ballet : Danae (1960)

8 symphonies
3 concertos pour piano
concerto pour alto
concerto pour violoncelle
concerto pour violon
concerto pour percussion et orchestre
Quetzacoatl pour flûte et orchestre de chambre
Sonatine pour flûte et orchestre de chambre

Oratorios pour chœur, solistes et orchestre, dont:
Pasio secundum Ioannem (1962)
Vespro della Beata Vergine (1989)
Lieder, entre ellos el Mater Dolorosa (1991)

Cantates de chambre, dont:
Cantique en l'honneur de Sainte Marie (1967)
Passio Jesu-Christi (1968)
Mahler-Lieder (1992)


Musique de chambre

4 trios à cordes
2 trios avec piano (1961, 1964)
7 quatuors à cordes (1955/1995)
2 sonates pour violon
2 sonates pour alto
3 sonates pour violoncelle
Concerto pour clavecin et 5 instruments (1969)
Concerto de chambre pour piano et instruments (1989)Concert des Anges (1992)
Scene avec Cranes, pour clarinette et piano (2007)


Nombreuses compositions pour piano et orgue, dont:

Preludio Coral y Tocatta (1958)
Libro de Órgano de Santa Maria de Vilafranca (1996)
16 Sonates pour piano (dont n° 3 "El cant de Deu)
6 volumes de Harmonices mundi (I, IV, V et VI pour piano; II et III pour orgue, 1977/1998)
Canción de cuna, pour piano
Recueils de mélodies, dont Das Marienleben (1959, revue en1979 avec instruments), Poèmes (1984)
Mélodies isolées, dont El Cant de Deu (1993)


Essais

(1980) Fuga, técnica e historia
(1982) La música (2 vol.)
(1983) Victoria
(1994) Escritos sobre música y dos poemas
(1999) Otros escritos y poemas
(1999) Tiempo y Música (en colaboración con Joan Cuscó)
(2003) Nuevos escritos y poemas
(2004) J.S. Bach. Una estructura del dolor
(2006) Música y Ética
(2011) Musica Enchiriadis

Je ne connais ce compositeur qu'au travers de deux oeuvres, une cantate de chambre datant de 1992 et intitulée Mahler-Lieder et son Concierto de Càmara pour piano et orchestre de chambre (1989). Il y a longtemps que je n'ai pas réécouté ces deux oeuvres mais j'en garde un bon souvenir. Je croyais d'ailleurs avoir déjà ouvert un topic sur Josep Soler, mais non....Merci Joachim de l'avoir fait.

Et Poema de Vilafranca, c'est pas mal du tout pour un morceau de 1995 !

https://www.youtube.com/watch?v=By9mLh4Cd3w&spfreload=10


Par contre ce Requiem de 1974 sonne plus "moderne"

https://www.youtube.com/watch?v=AhgcqL_xN8E&spfreload=10

Cette fois encore, tu m'as donné envie de revenir sur ce compositeur par le biais de la première oeuvre que je possède de lui, son Mahler-Lieder (1992) pour soprano et orchestre de chambre. L'oeuvre se divise en deux parties pour une durée totale de 16' 56". Le premier morceau est très animé, expressif et coloré. Le jeu instrumental est bavard et agité: <<les Mahler-Lieder furent écrits par Josep Soler en juillet 1992 pour la soprano Virginia Parramon et pour l'Orquestra de Cambra Teatre Lliure dirigé par Josep Pons, à partir des poèmes de Gustav Mahler écrits durant l'été 1910 à Toblach, un an avant sa mort. Dédiés à la femme de l'auteur, Alma, tous ces textes participent de l'extrême sublimation du sentiment à la fois amoureux et religieux que l'on peut observer chez une grande partie des auteurs lyriques du début du XXème siècle, un courant qui trouve peut-être sa plus haute expression dans la publication, en 1905, du Livre d'heures de Rainer Maria Rilke...>> (Agusti Bruach). Le second extrait qui est aussi le plus long est une sorte de lento romantique extrêmement tourmenté qui monte en intensité sans jamais se relâcher. J'aime beaucoup ce morceau. La prestation de la soprano Virginia Parramon me semble parfaite. J'aime le timbre de sa voix.

Je viens de réécouter le Concierto de Camara pour piano et orchestre de chambre (1989)  de Josep Soler qui me permit d'apprécier cette fois, entre autres, les talents de pianiste virtuose de Lluis Vidal que je connaissais jusqu'ici surtout comme compositeur et musicien de jazz. Ce que j'ai aussitôt apprécié dans ce concerto c'est l'emploi parfois clairsemé de l'ensemble instrumental autour du récit pianistique. Ce n'est pas une masse sonore qui s'abat sur le piano comme un élément dominant, dans une logique de rivalité, c'est davantage un instrumentarium extrêmement délicat qui projette ses éléments en autant de petites sonorités parfois malicieuses, parfois tendres et rêveuses comme ce magnifique hautbois de Philippe vallet qui accompagne le piano dans le très intimiste second mouvement dans lequel on retrouve le caractère d'un lento tourmenté et raffiné tel que celui du deuxième extrait des Mahler Lieder. Ce que j'ai aimé c'est aussi l'apport délicat de l'harmonium sous les doigts d'un autre musicien que je connais surtout en tant que compositeur Joan Albert Amargos. Je trouve que la combinaison entre l'orgue et le célesta, par leur douce complicité, apporte une touche singulière à ce concerto de chambre qui s'achève dans une humeur mélancolique et introvertie.

<<Le Concerto de chambre a été écrit dans le courant du mois d'août 1989 et présenté fin mai 1990 par l'orquestra de Cambra Teatre Lliure, pour lequel il avait été destiné. Il s'intègre dans un ensemble de compositions pour petites formations instrumentales et une partie concertante: en l'occurrence, celle-ci est adjugée au piano, accompagné par un soliste de moindre importance, le hautbois. Les cordes, l'harmonium et le célesta confèrent à l'ensemble un timbre très particulier, caractéristique, par ailleurs, de certaines oeuvres plus récentes de Soler (Dos poemas para orquestra): la profonde connaissance de l'art de l'instrumentation du compositeur se traduit par une atmosphère sonore d'une extrême subtilité, qui constitue en fin de compte le véritable moteur "dramatique" de l'oeuvre. Il semble évident que cette composition de par son titre même, revendique une filiation et témoigne du respect que lui inspire la production d'Alban Berg. La référence au Kammerkonzert du compositeur autrichien ne constitue pas ici une simple anecdote; bien au contraire, elle signifie la reconnaissance d'affinités profondes de Soler pour l'auteur de Lulu, non seulement dans le domaine de l'esthétique, mais aussi aux plans émotionnel et psychologique.>> Agusti Bruach.

J'ai survolé d'autres titres sur Youtube dont les liens postés plus haut ainsi qu'une pièce très énergique pour clavecin et cinq instruments, et je dois dire que j'aime bien son style. Un compositeur à approfondir...pour moi en tout cas!

José Soler est décédé dimanche dernier 9 octobre 2022.


Sur ses œuvres

Soler a été initié à la musique par Rosa Lara à Vilafranca del Penedès. Début 1960, il se rend chez René Leibowitz à Paris. Il revient bientôt en Catalogne et étudie de 1960 à 1964 avec Cristòfor Taltabull à Barcelone.

Dans le langage tonal de Soler, qui est clairement influencé par la religion, trois phases peuvent être clairement distinguées les unes des autres. Les premières œuvres s'inscrivent dans la tradition de la deuxième école viennoise, avec la technique dodécaphonique comme élément déterminant.  L'opéra Agamemnon (1960) marque le virage vers un style plus personnel et libre dans l'esprit du sérialisme. Les processus créatifs ont finalement conduit à un atonalisme libre. Le Requiem de 1974 marque la fin de cette première phase. Au cours des 15 années suivantes, Soler a complètement abandonné le sérialisme et a cédé la place à un atonalisme absolument libre. Pendant ce temps, il se consacre particulièrement à la fugue et à d'autres formes du baroque, par exemple dans son œuvre en six volumes pour orgue et piano. A partir de 1990 environ, Soler entre dans une troisième phase artistique. A partir de l' accord de Tristan et de l'accord mystique d' Alexandre Scriabine, il développe un langage tonal très personnel. Des œuvres telles que les Mahler Lieder de 1992 ou les opéras de chambre El Misterio de San Francisco (2000) et Die Blinden (Els cecs) combinent une renaissance expressionniste avec une esthétique méditerranéenne claire. Les Trois Danses du Penedès de 1995 sont également une œuvre typique de cette époque.

Soler a composé plus de 200 œuvres. En 1956, son œuvre Polifonías para piano (polyphonies pour piano) est créée. Il convient de mentionner la Simfonia Sant Francesc (Symphonie pour Saint François), pour laquelle il a reçu le Prix de Musique de la Ville de Barcelone en 1961, le Ballet Dànae (1962) pour instruments à cordes, le Concerto pour deux pianos (1962), le Prélude et Danses des Penedès pour orchestre symphonique (1996), la musique funèbre pour orchestre de chambre (1998), les opéras Agamemnon (primé par l'Opéra de Monte-Carlo en 1960) et la tentation de Saint Antoine (1967) sur un texte de Gustav Flaubert, Œdipe et Jocaste (1974) d'après un texte de Sénèque et créé au Liceu en 1986, Néron (1986) sur des textes de Sénèque, Suétone et Tacite, Le Songe d'une nuit d'été (1991) d'après des textes de Shakespeare, Frankenstein (1996) d'après Mary Shelley et bien d'autres œuvres.
Dans le domaine de la musique religieuse, on peut citer : l'oratorio Passio Domini Nostri Jesu Christi (1968), la Passion selon saint Jean (1968) et le Requiem de 1970. Dans la section instrumentale se trouvent les sept quatuors à cordes(1955 à 1995), le Concerto pour clavecin et cinq autres instruments (1968), La misteriosa rosa del jardí (La merveilleuse rose du jardin) pour orgue et autres œuvres. Enfin, il faut mentionner les deux recueils de mélodies El Llibre d'hores (1961, Le Livre d'heures) et un autre recueil de chansons sur des textes de saint Paul.

En plus de son travail de composition, Soler était également actif en tant que professeur de musique. De 1975 à 1981, il est professeur d'esthétique et de 1982 à 1984 professeur de composition au Conservatori Municipal de Música de Barcelona. De 1983 à 2010, Soler a été directeur du Conservatoire de Badalona.

Soler a également écrit des essais sur divers aspects de la musique : Fuga, técnica e historia (1980, fugue, technique et histoire), La música (1982, musique), Victoria (1983), Poesía y teatro litúrgico del Antiguo Egipto (1983, poésie et théâtre liturgique de l'Égypte ancienne), Escritos sobre música y dos poemas (1994, écrits sur la musique et deux poèmes), Tiempo y música (1999, Temps et musique ; avec Joan Cuscó), Otros escritos (1999 Autres écrits), Nuevos escritos (2003, Nouveaux écrits), JS Bach–Una estructura del dolor (2004, Johann Sebastian Bach – La structure de la douleur), Música y ética (2006, Musique et éthique) i Música Enchiriadis (2011).

Fondamentalement, le travail artistique et musicologique de Soler se caractérisent par une sobriété décidée qui permet au contenu de l'œuvre respective de se démarquer clairement. De plus, face à un monde de plus en plus injuste et excluant, il déplace sa peur intérieure vers l'extérieur dans ses œuvres musicales et musicologiques. Malgré cette attitude pessimiste, il voit des solutions artistiques aux problèmes posés.

Soler a reçu de nombreux prix. En 1964, il reçoit le Prix de l' Opéra de Monte-Carlo, en 1962 et 1978 le Prix de Musique de la Ville de Barcelone, ​​en 1982 le Premi de composició Òscar Esplà (Prix de composition Òscar Esplà). En 2001, il a reçu le Premi Nacional de cultura de la Generalitat de Catalunya (Prix culturel catalan de la Generalitat) dans la section musique. En 2009, il a reçu le Premio Nacional de música espagnol et en 2011 le Premio Iberoamericano de la Música Tomás Luis de Victoria.
En 2013, il a refusé la Medalla d'or del mèrit en les beaux arts (Médaille d'or du mérite artistique) du gouvernement espagnol pour son insatisfaction totale à l'égard des politiques éducatives et culturelles du gouvernement de Mariano Rajoy.



https://www.youtube.com/watch?v=vkEuDJB0T3o

Preludi i danses del Penedès (1996)

Orquestra Simfònica de Barcelona i nacional de Catalunya
Eiji Oue, director