Pour faire suite au fil sur le recitativo de Bel Canto:
Le récitatif baroque, complètement abandonné au 19e siècle, sera succédé par le "parlando", dont le plus connu est le "Pierrot Lunaire", opus 21 (1912) d'Arnold Schönberg. La diction miaulante ne fut pas appréciée du grand public, mais Stravinski, qui assista à la 4e audition à Berlin, fut frappé par cette oeuvre qu'il trouva prodigieuse (dans une lettre à Florent Schmitt).
Pierrot Lunaire est basé sur des poèmes d'Albert Giraud (Louvain 1860- Bruxelles 1929) écrits en 1884, et déjà pleinement dans l'esprit "fin de siècle".
Schönberg mettait en garde contre le parler chantant (eine singende Sprechweise), sauf avec l'indication "fast gesungen" (presque chanté). D'autres indications sont "tonlos" (sourd, sonorité blanche) ou "tonlos geflüstert" (chuchoté).
En fait, la voix en "parlando" était intégrée dans le tissu instrumental.
Mais il y a un précédent: Henri Thiébaut (Schaarbeek 1865- Glain 1959) qui fonda en 1896 à Bruxelles l'Ecole de musique et de déclamation, précurseur de L'Institut des Hautes Etudes musicales et dramatiques (1907), et qui introduisit en Belgique la méthode du suisse Jacques-Dalcroze, compose la musique pour le monodrame lyrique parlé Le Juré en cinq actes, d'après un texte d'Edmond Picard (1836-1924). C'est du pur parlando.
Cette oeuvre est créée et publiée en 1910, donc deux ans avant le "Pierrot Lunaire".