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 Kaija SAARIAHO (1952-2023)

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joachim
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joachim

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Kaija SAARIAHO (1952-2023) - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Kaija SAARIAHO (1952-2023)   Kaija SAARIAHO (1952-2023) - Page 2 EmptyVen 9 Juin 2023 - 18:28

Un article de la RTBF

La compositrice Kaija Saariaho est décédée ce vendredi 2 juin à l’âge de 70 ans. Patrick Leterme lui rend hommage.

"Cet arbre était splendide quand on est venus dans cette maison… Il a des feuilles spéciales : elles ne deviennent jamais vert foncé, mais restent très brillantes. Dans le soleil, c’est un peu… un peu irréel peut-être.
Pour nous c’est un arbre très important, même si on est préparés que peut-être il ne sera pas là au printemps prochain. Peut-être que les feuilles ne vont pas venir. J’étais préparée à ça il y a un an, mais quand même, il a vécu cet été."


Pouvions-nous être prêts à ce que Kaija Saariaho ne soit plus là ?
A l’origine, il y avait une enfant qui, le soir, entendait des sons, de la musique. Ne sachant pas dormir, elle demandait à sa mère "d’éteindre l’oreiller".
Kaija Saariaho s’est éteinte ce vendredi 2 juin 2023 à l’âge de 70 ans, à l’issue de deux années de maladie. Et jusqu’au dernier jour, elle sera restée l’ambassadrice sublime d’un son venu d’ailleurs.

Née à Helsinki à la sortie de la Deuxième Guerre Mondiale, elle grandit dans le meilleur système d’éducation musicale au monde, alors que la Finlande, pour relancer le pays, mise intensivement sur la culture. Elle fera partie quelques décennies plus tard d’une génération dorée de chefs d’orchestre (Esa-Pekka Salonen, Susanna Mälkki, Jukka-Pekka Saraste, suivis par la dernière star en date : Klaus Mäkelä) ou de compositeurs (Esa-Pekka Salonen à nouveau, ou Magnus Lindberg, membres fondateurs comme elle du collectif Korvat Auki – la " société des oreilles ouvertes "). Mais dans sa jeunesse, grandir en Finlande comme compositrice, c’est avoir toujours au-dessus de sa tête l’ombre planante d’un vieil homme chauve – comprenez : Jean Sibelius.
Alors Kaija fuit – et part vers Paris. C’est là qu’à la suite de l’école spectrale, plutôt que la note, symbole écrit qui ne peut contenir toute la réalité de la musique, elle explore le son, lequel est vibration et lumière. Elle affirmera et réaffirmera que sans le Français Gérard Grisey, sa musique à elle n’aurait été possible. Mais la fin du XXe siècle est dure dans le monde de la création, où des groupes (voire groupuscules) cherchent et prétendent avoir raison les uns contre les autres. Face au Tribunal d’Inquisition esthétique de ceux qui prétendent que certains accords ou mélodies doivent être bannis parce que trop traditionnels, elle reste à Paris… Mais elle esquive et demeure libre, déclarant qu’elle ne souhaite pas construire une esthétique sur des interdictions.

La liberté et l’ouverture, c’est bien le cœur de la création pour elle dont l’œuvre, tout aussi imposante et respectée qu’elle soit, ne semble pas se dresser comme une injonction autoritaire à écrire comme elle, ou comme une volonté de " faire école " pour servir son propre ego à travers les artistes de la génération suivante.
Dans les vibrations – à la logique irrationnelle et libre – que Saariaho cherche à transmettre, l’ombre et la lumière frémissent, se répartissant le temps et l’espace d’une façon mystérieuse. Car notre réalité est là : dans l’inexplicable, l’insaisissable, qu’elle tâche pourtant de décrypter. Et si ses partitions portent à l’arrivée des titres venus de la nature (Papillons pour violoncelle et électronique ; L’aile du songe, concerto pour flûte), du cosmos (Orion, large partition symphonique) ou de la nature physique même de l’Univers (Notes on light – Notes sur la lumière – pour violoncelle et orchestre, ou Light and Matter – Lumière et Matière – pour trio à clavier), ce n’est généralement qu’une image venue en fin de processus. Car dès lors qu’on s’assied à table pour composer, dit Saariaho, tout devient technique ; et ces titres, pour imagés qu’ils soient, ne doivent pas masquer que le génie de la compositrice passe par la maîtrise d’un immense métier qui est du travail musical pur.
A la flûte, elle donne un souffle venu d’une terre sans nom et sans âge ; au violoncelle, elle donne une vibration lumineuse et libre ; au chœur, elle fait révéler par le chant collectif un mystère de la nature ; à l’orchestre, elle donne le pouvoir de révéler tous les reliefs en creux de l’autre côté du réel ; et dans ses opéras, qu’elle écrit dès les années 2000 et qui conquièrent le monde, elle est convaincue qu’une autre voie est possible que le " lyrisme égotique " de l’opéra traditionnel.

Car un des traits de génie de Kaija Saariaho réside probablement dans ce don unique : par sa science de la composition, son amour de la précision, par sa curiosité qui l’amène à observer le temps sous tous les angles (et à constater que le temps est un mystère subjectif, et qu’il n’y a pas 2 personnes parmi nous pour faire l’expérience du même temps), elle parvient à traduire dans le réel cet autre pan de l’univers. Cet autre côté du miroir : invisible, inaccessible, inconnaissable… mais sensible pour qui, comme elle, peut toucher de l’intérieur cet ailleurs.

Le premier mouvement de " Orion ", écrit en 2002, Kaija Saariaho l’intitula " Memento Mori " – " Souviens-toi que tu vas mourir ". A travers des textures inimitables, un mélange envoûtant de scintillements et de zones sombres, elle créait un flottement magnifique. Des vagues souples pour dessiner peu à peu le voyage unique : celui vers l’au-delà.
7 minutes pour entendre l’orchestre gagne en ampleur, alors que le grand basculement approche. 7 minutes pour toucher au bout du voyage, sentir disparaître tout ce qui était, et toucher du doigt l’opposition brutale – finale – des énergies, jusqu’à ce que résulte le son ultime : le silence.
En musique, rien ne peut dépasser le silence. Mais dans le silence que nous laisse Kaija Saariaho, le halo de mystère de sa musique résonne – et nous laisse pressentir, accéder aux espaces, aux couleurs, à la lumière inaccessibles pourtant, inaccessibles théoriquement – tant que nous sommes sur Terre.

"Il y a tellement de choses qu’on ne comprend pas. Et je suis intéressée par beaucoup de choses. C’est souvent mon intérêt esthétique, bien sûr. La beauté mathématique dans la nature, c’est très inspirant, bien sûr, pour la musique. Il y a d’autres choses, quand même.
Voilà, cet arbre… Il n’a pas de nom. Mais il était très important pour nous."


Source : https://www.rtbf.be/article/il-y-a-d-autres-choses-quand-meme-kaija-saariaho-compositrice-de-l-invisible-11208494?utm_campaign=Musiq%273_+07-06-2023&utm_medium=email&utm_source=newsletter
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