George Crumb (1929-2022)

Le compositeur américain George Crumb** est né le 24 octobre 1929 et a fait ses études à l'université de l'Illinois, à l'université du Michigan avec Ross Lee Finney (1954), au Berkshire Music Center, puis à Berlin avec Boris Blacher (1955-56). Professeur à l'université du Colorado de 1959 à 1964, puis à l'université de Pennsylvanie à partir de 1965, il a reçu le prix Pulitzer 1968 pour Echoes of Time and the River pour orchestre (1967). Sa musique, souvent d'une concision et d'une austérité issues tout droit de Webern, marquée aussi par l'influence de Debussy et des traditions orientales, doit sa forte originalité à ses sonorités, ses aspects rituel et mystique, et témoigne d'une intense sensibilité poétique. Plusieurs des oeuvres de Crumb sont basées sur des poèmes espagnols de Federico Garcia Lorca, tels que les quatre livres de Madrigals pour soprano, percussion, flûte, harpe et contrebasse (I et II 1965, III et IV 1969), deux des sept volets de Night Music I pour soprano, piano, célesta et percussion (1963), Songs, Drones and Refrains of Death pour baryton, guitare, contrebasse et piano électriques et deux percussionnistes (1968), Night of the Four Moons (1969), et Ancient Voices of Children pour mezzo-soprano, soprano garçon, hautbois, mandoline, harpe, piano électrique et percussion (1970).
Pour réaliser ses subtils effets de timbres, reflets de son désir de «contempler les choses éternelles», Crumb a élaboré de nouvelles techniques d'exécution et fait appel à de nombreux instruments des musiques populaires et traditionnelles. La maturité de son style s'est exprimée pour la première fois dans les Cinq pièces pour piano (1962). On lui doit aussi Night Music II pour violon et piano (1964), Eleven Echoes of Autumn pour flûte, alto, clarinette, piano et violon (1965), Black Angels pour quatuor à cordes électriques (1970, in tempore belli), reflet de la guerre du Vietnam, Vox balaenae pour flûte, violoncelle et piano amplifiés (1973), Makrokosmos I pour piano, II pour piano amplifié, III pour piano et percussion (1972-74) et IV (Celestial Mechanics), Star-Child pour soprano et orchestre (1977), oeuvre dirigée par quatre chefs donnant chacun un tempo différent, Apparition pour mezzo-soprano et piano (1979), Gnomic Variations pour piano (1981), A Haunted Landscape pour orchestre (1984), The Sleeper pour soprano et piano (1984).

La finesse et l’originalité de l’univers sonore de George Crumb sont particulièrement mis en valeur dans A Haunted Landscape, pièce pour orchestre de 18 mn centrée sur les multiples résonnances d’un piano. L’extrait proposé ci-après provient de l’excellent CD dont la pochette est reproduite ci-dessous.

On y trouve notamment :
- A Haunted Landscape de George Crumb,
- Three Colloquies For Horn And orchestra de William Schuman***
Le tout, interprété par un New York Philharmonic toujours aussi brillant dirigé successivement par Arthur Weisberg (A Haunted Landscape) puis Zubin Mehta (Three Colloquies For Horn And orchestra). Il s’agit d’un enregistrement public produit sous le label New World records (www.newworldrecords.org) et disponible, entre autres sans doute, chez Amazon à la date d’aujourd’hui

Voici donc un extrait de A Haunted Landscape de 4mn30 **** ICI


**   La totalité de la biographie de George Crumb a été empruntée au site de la Médiathèque de l’Ircam à l’adresse http://brahms.ircam.fr/textes/c00000020/index.html. La citation discographique et les commentaires correspondants sont de l’auteur du post.
***  compositeur que Joachim nous a proposé de découvrir dans ce forum et, à l’égard duquel, j’avais porté une appréciation quelque peu négative que je renie aujourd’hui.
**** retravaillé en dynamique par mes soins afin d’améliorer l’écoute à partir d’un forum. Ces corrections ayant été faites à la hâte, il arrive qu’elles soient audibles.

Ca va me plaire...

Snoopy a écrit:

Ca va me plaire...

Si c'est le cas, le temps va se détraquer. Pitié !!!

C'était de l'ironie bien sûr...

Des très beaux sons c'est vrai

même s'il coulera entre beaucoup d'eau sous les ponts avant que ce genre de musique ne fasse battre mon coeur LOL, j'ai néanmoins bien aimé la sobriété, la qualité des sons et surtout le contraste volume entre les instruments, très très bien balancé et très subtil.

En tous cas dans cet extrait on sent que le compositeur va à l'essentiel et qu'il n'y a pas de bla-bla.

Coco

Coco a écrit:

En tous cas dans cet extrait on sent que le compositeur va à l'essentiel et qu'il n'y a pas de bla-bla.

Quand il y a du blabla ça s'appelle l'opéra...

C'est un peu sombre comme musique.

Un compositeur que je ne connais absolument pas.

Merci à Robert de nous le faire découvrir...et de réviser sa position sur William Schuman

Liste (non exhaustive) de ses œuvres

Pour orchestre

Gethsemane (1947), pour petit orchestre
Diptych (1955)
Variazioni (1959), pour grand orchestre
Echoes of Time et the River (Echoes II) (1967)
A Haunted Landscape (1984)


Pour ensemble vocal et orchestre

Star-Child (1977, revisé en 1979), pour soprano, antiphonal children's voices, male speaking choir, bell ringers, et grand orchestre


Musique de chambre

Two Duos (1944 ?), pour flûte et clarinette
Four Pieces (1945), pour violon et piano
Sonate pour violon (1949)
String Trio (1952)
Three Pastoral Pieces (1952), pour hautbois et piano
Viola Sonata (1953)
String Quartet (1954)
Sonate pour violoncelle seul (1955)
Four Nocturnes (Night Music II) (1964), pour violon et piano
Eleven Echoes of Autumn (Echoes I) (1966), pour violon, flûte alto, clarinette, et piano
Black Angels (Images I) (1970), pour quatuor à cordes électrique
Vox Balaenae (Voice of the Whale) (1971), pour flûte électrique, violoncelle électrique, et piano amplifié
Music for a Summer Evening (Makrokosmos III) (1974), pour deux pianos amplifiés et percussions.
Dream Sequence (Images II) (1976), pour violon, violoncelle, piano, percussions, et off-stage glass harmonica
String Trio (1982)
Pastoral Drone (1982), pour orgue
An Idyll for the Misbegotten (Images III) (1986), pour flûte amplifiée et percussions.
Easter Dawning (1991), pour carillon
Quest (1994), pour guitare, saxophone soprano, harpe, contrebasse, et percussions, écrit pour le guitariste David Starobin
Mundus Canis (A Dog's World) (1998), pour guitare et percussions


Piano

Piano Sonata (1945)
Prelude et Toccata (1951)
Five Pièces (1962)
Makrokosmos, Volume I (1972), pour piano amplifié
Makrokosmos, Volume II (1973), pour piano amplifié
Celestial Mechanics (Makrokosmos IV) (1979), pour piano amplifié (quatre mains)
A Little Suite for Christmas, A.D. 1979 (1980)
Gnomic Variations (1981)
Processional (1983)
Zeitgeist (Tableaux Vivants) (1988), pour deux piano amplifiés
Eine Kleine Mitternachtmusik (A Little Midnight Music) (2002)
Otherworldly Resonances (2003), pour deux pianos


Œuvres vocales

Four Songs (1945?), pour voix, clarinette et piano
Seven Songs (1946), pour voix et piano
Three Early Songs (1947), pour voix et piano
A Cycle of Greek Lyrics (1950?), pour voix et piano
Night Music I (1963, revised 1976), pour soprano, piano/célesta, et deux percussionnistes
Madrigals, Books I (1965), pour soprano, vibraphone, et contrebasse
Madrigals, Books II (1965), pour soprano, flûte/flûte alto, flûte/piccolo, et percussions
Songs, Drones, and Refrains of Death (1968), pour baryton, guitare électrique, contrebasse électrique, piano amplifié/clavecin électrique, et deux percussionnistes, sur des textes de Federico García Lorca, commande de l'université d'Iowa.
Night of the Four Moons (1969), pour alto, flûte alto/piccolo, banjo, violoncelle électrique, et percussions
Madrigals, Books III (1969), pour soprano, harpe, et percussions
Madrigals, Books IV (1969), pour soprano, flûte/flûte alto, flûte/piccolo, harpe, contrebasse, et percussions
Ancient Voices of Children (1970), pour mezzo-soprano, boy soprano, hautbois, metolin, harpe, piano amplifié (et piano jouet), et percussions (trois instrumentistes)
Lux Aeterna (1971) pour soprano, flûte basse/flûte à bec soprano, sitar, et percussions
Apparition (1979), pour soprano et piano amplifié
The Sleeper (1984), pour soprano et piano
Federico's Little Songs pour Children (1986), pour soprano, flûte/piccolo/flûte alto/flûte basse, et harpe
American Songbook I: The River of Life (2003), pour soprano, quatuor de percussions et piano
American Songbook II: A Journey Beyond Time (2003), pour soprano, quatuor de percussions et piano
American Songbook III: Unto the Hills (2001), pour soprano, quatuor de percussions et piano
American Songbook IV: Winds of Destiny (2004), pour soprano, quatuor de percussions et piano
American Songbook V: Voices from a Forgotten World (2007), pour soprano, baryton, quatuor de percussions et piano
American Songbook VI: Voices from the Morning of the Earth (2008), pour soprano, baryton, quatuor de percussions et piano
Spanish Songbook I: The Ghosts of Alhambra (2008), pour baryton, guitare et percussion
Spanish Songbook II: Sun and Shadow (2009), pour voix de femme et piano amplifié
American Songbook VII: Voices from the Heartland (2010), pour soprano, baryton, quatuor de percussions et piano
Spanish Songbook III: The Yellow Moon of Andalusia (2012, pour mezzo-soprano et piano amplifié
Yesteryear, vocalise pour mezzo-soprano, piano amplifié et percussion à 2 joueurs (2005, révisé en 2013)


Choral

Alleluja (1948), pour chœur a cappella





https://www.youtube.com/watch?v=XWa4eXg-Jdo

Bof... On peut trouver mieux comme paysage hanté...

joachim a écrit:

Bof... On peut trouver mieux comme paysage hanté...

Ce n'est pas là que je le trouve le plus convaincant.

Je crois qu'il faut vraiment en rester aux grands classiques des années 1970, outre les "Makrokosmos" que je citais hier, "Black Angels" et "Vox Balaenae".

Et puis une oeuvre très poignante et - inutile de le dire avec Crumb - très originale, "Ancient Voices of Children" (1970) pour soprano, voix d'enfant (soprano), hautbois, mandoline [bizarrement appelée "metolin" dans un précédent message], scie musicale, harpe, piano amplifié, piano jouet et percussion (neuf exécutants, si je compte bien), sur des poèmes de García Lorca, avec deux courtes "danses" purement instrumentales intercalées.

Pas grand-chose de bien "contemporain" ici... comme un rituel (funéraire?)... ce sont des incantations venues de loin, de très loin...
Et des références, aussi, et pas des moindres: l'"Adieu" du "Chant de la terre" de Mahler dans le dernier mouvement.

Ha ben désolé, je n'ai écouté qu'un petit passage de ce "Paysage hanté" et ça m'a bien plu même si j'y ai ressenti davantage un paysage surnaturel et mystérieux avec des créatures étranges plutôt que des esprits en voile blanc.

Quand j'ai vu la partition, sans même écouter la musique, j'ai compris tout de suite deux choses:

1. Que je n'allais pas aimer
2. Qu'il fallait que je la poste pour Icare


https://www.youtube.com/watch?v=etHtCVeU4-I

Oh my god. Je passe du 5e concerto pour piano de Saint-Saens à ca.
Ca m'a attaqué les oreilles direct, je déteste le début... je déteste cette technique au violent, je trouve le son malaisant au possible.
Je n'ai rien contre la musique moderne et contemporaine, au contraire, je suis curieuse et je me suis habituée à des sons peu communs et des oeuvres très modernes dans l'écriture.

Mais celle-ci, je n'aime pas du tout. En plus, je n'aime pas l'écriture de la partition, je n'y vois pas l'intérêt, c'est plus complexe pour les interprètes...

Ceci est le contraire du coup de coeur

Snoopy a écrit:

Quand j'ai vu la partition, sans même écouter la musique, j'ai compris tout de suite deux choses:
1. Que je n'allais pas aimer
2. Qu'il fallait que je la poste pour Icare

Oh le gros cliché! Je n'aime pas trop voir les partitions dans une vidéo puisque je ne sais pas les lire. Je préfère un beau paysage qui m'inspire car les partitions de la nature sont les seules que je comprenne. Pour ce qui est de la musique de George Crumb, je ne la connais pratiquement pas malgré qu'il fasse partie des figures emblématiques de la musique contemporaine aux Etats-Unis. La seule pièce que je suis sensé bien connaître s'intitule Quest (1994) pour guitare et ensemble, seulement il se trouve qu'elle est couplée avec une oeuvre du Danois Poul Ruders qui m'a davantage fasciné et sur laquelle j'ai porté toute mon attention, au point même d'avoir approfondi ce compositeur et négligé l'autre. Je ne porterai pas de jugement sur l'oeuvre qui a été postée, n'en ayant écouté qu'une petite partie pendant que j'écrivais, n'en ferai aucun jugement superfétatoire. La seule chose que je dirais c'est que je préfère déjà l'ambiance de A Haunted Landscape à l'hostilité de ces cordes bien rugueuses qui amorcent Black Angels. Néanmoins, je ne suis pas du tout actuellement dans l'état d'esprit pour apprécier une musique aussi austère, dissonante et aride. Je baigne en ce moment dans des atmosphères musicales généralement plus tonales (pas que), plus rythmées et plus en chair.

Icare a écrit:

Oh le gros cliché!

Je préfère quand tu m'appelles "Snoopy"

Le compositeur américain George Crumb est mort chez lui, aux Etats-Unis, le 6 février 2022 à 92 ans.

George Crumb était un créateur atypique dans le paysage musical qui l'a vu naître. L'Amérique se divise alors entre un néo-classicisme stravinskien et le sérialisme de Schoenberg. Intéressé par le jazz, étudiant dans le Berlin d'après-guerre, fou des romantiques que sont Chopin, Schumann ou Brahms, Crumb s'essaye peu-à-peu à un langage musical qui opérera la synthèse entre toutes ces sources influences.

Il retient ainsi l'intérêt pour la numérologie du sérialisme, qu'il mâtine à son gré de chamanisme, d'astrologie et de mysticisme. Le jazz lui apporte la fantaisie improvisatoire et l'intérêt pour des modes de jeu encore peu exploités à l'époque (cordes pincées ou frottées au piano, chant dans la flûte). Enfin, il se plaît à parsemer ses œuvres de citations et références plus ou moins explicites au grand répertoire (Fantaisie-Impromptu de Chopin, Jeune Fille et la Mort de Schubert, Dowland, Beethoven, Schumann...).

La voix occupe une part importante du catalogue de Crumb : son langage mystérieux, poétique, et rassembleur appelle naturellement la voix et tend la main aux références littéraires. Ainsi, bien qu'elle se soit permis des incursions du côté de Whitman, de Poe ou des gospels américain, la musique vocale de Crumb ne s'explique pas sans la poésie de Federico Garcia Llorca. Le monde de Llorca, peuplé de sérénades interrompues, de fantômes, de lunes pâlissantes, et de carillons est une illustration poétique naturelle du langage que Crumb s'était déjà forgé. On trouve comme témoins de cette rencontre les deux cycles que sont les Madrigals (1965-1969) et les Spanish Songbooks (2008-2012)
source : Forum Opéra