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 Paul Hindemith: DVD Cardillac

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Snoopy
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Snoopy

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Paul Hindemith: DVD Cardillac Empty
MessageSujet: Paul Hindemith: DVD Cardillac   Paul Hindemith: DVD Cardillac EmptyMer 25 Avr 2007 - 21:03

Paul Hindemith: Cardillac (Nagano, 2005)

par Tristan Montségur

Transférée au dvd, la production de ce Cardillac parisien, en "création" à l'Opéra Bastille, ne perd rien de sa tension glaçante, de son implacable activité tragique. Même si la musique prend ses distances, en cela conforme à l'esthétisme d'Hindemith, il s'agit bien ici d'épingler la démence d'un artiste génial, démiurgique, parfaitement inhumain. Une entrée au répertoire, qui, désirée par Gérard Mortier, s'avère captivante.

La musique précède le texte

Cardillac, d'après la nouvelle d'E.T.A. Hoffmann (Mademoiselle de Scudéry), est une oeuvre de jeunesse dans la carrière du compositeur. Elaborée en 1926, (révisée ensuite en 1952 dans une version augmentée d'un acte, mais considérée comme plus faible et créée à Zurich), l'opéra met en avant l'idéal esthétique d'un jeune musicien de 31 ans, qui est premier violon dans l'orchestre de l'Opéra de Francfort et qui a derrière lui, plusieurs oeuvres lyriques telles Sancta Susanna (1922) et La Vie de Marie (1923). Fortement marqué par l'esprit de rupture avec la tradition musicale, Hindemith suit dans Cardillac, les valeurs de la "nouvelle objectivité", une lecture détachée, une ironie distante, froide et cynique vis à vis de l'humanité, qui analyse avec perspicacité, les travers et la décadence de notre monde. Le désenchantement est à l'oeuvre dans l'action de Cardillac, créé le 9 novembre 1926 à Dresde, sous la baguette de Fritz Busch. L'oeuvre appartient au panorama éclectique de nombreux ouvrages contemporains, tout autant majeurs dans l'histoire de l'opéra: Erwartung de Schönberg (1924), Doktor Faust de Busoni (1925), Wozzeck de Berg (1925), Turandot de Puccini (1926), L’Affaire Makropoulos de Janacek (1926),

De quoi s'agit-il? Hindemith qui a tranché le débat entre texte et musique, milite, comme Rameau, pour une autonomie libre et expressive de la musique. Les formes musicales choisies (canon, duo, air, choeur...) comme l'ample passacaille du dernier acte (22 variations), qui exprime la solitude et le meurtre du héros par la foule, structurent l'action. D'ailleurs, le compositeur écrit la musique du dernier acte avant de recevoir le texte final du livret.

En affirmant le statut de la musique, Hindemith souligne le rôle du compositeur, et le génie de l'artiste. D'ailleurs, Cardillac incarne la sublimation du créateur, habité par un sentiment supérieur qui le rend inattaquable, au-dessus des hommes, au-dessus des lois (du moins le pense-t-il). Les deux premiers actes peignent un ordre social déshumanisé entre un génie dément, obsédé par l'esprit de possession de sa création, et une foule aveugle voire hystérique qui agit sans mesure ni esprit critique. Les deux personnages qui adoucissent par leur humanité ce tableau désenchanté, comme incisé à l'acide, sont la fille de Cardillac et l'Officier avec lequel elle entretient une relation amoureuse. Par leur chant, se réalisent le miracle de l'amour, le surgissement de la vérité (l'officier a démasqué l'identité du criminel), mais aussi l'exercice du pardon et de la compassion, quand tous deux chantent leur douleur sur le corps sans vie de Cardillac. C'est la rétablissement du sentiment après une série de catastrophes marquées par l'absence d'amour. En contrepoint, Hindemith a conçu un couple qui leur est diamétralement opposé, intrigant, avide, joueur et séducteur, celui de la Dame et du Chevalier qui restent pourtant, trait génial, humains et émouvants en dépit de leur cynisme complice (nocturne et sommeil de la Dame, Acte I, scène II).

Démence d'un art sans amour

Hindemith prend parti. Le sujet central peint la démence d'un art sans amour, sans humanité. En se croyant au dessus des lois, en sacrifiant sa fille pour son art, en n'acceptant jamais d'être dépossédé des bijoux qu'il crée, Cardillac est une figure de la folie. Il paiera cher cette appropriation criminelle de son oeuvre.

La production de l'Opéra Bastille, filmée en octobre 2005, marque l'entrée au répertoire de l'Opéra de Paris, de l'oeuvre d'Hindemith. En 1926, le compositeur n'est pas encore l'homme à abattre du régime nazi. Même si Klemperer puis Furtwängler créent ses oeuvres et ses opéras, Hindemith est déclaré "dégénéré" par Hitler, "faiseur de bruit atonal" par Goebel. Ayant assuré la première de son opéra "Mathis le Peintre"en 1934, Furtwängler est fortement attaqué par l'appareil nazi, il démissionnera d'ailleurs en conséquence de ses postes.

Avec Cardillac, l'activité de la psyché, la part de l'étrange et une extrême tension affleurent dans chaque tableau. Mais à l'horreur de l'action, la musique "répond" en décalage, comme absente, sur un registre autre. L'auteur privilégie toujours la part de la musique, en témoigne l'admirable seconde partie de l'acte I, qui enchaîne le songe nocturne de la Dame et la pantomine cruelle (sans chant) qui fait se dérouler la remise du collier d'or à la Dame par le Chevalier, puis le meurtre de ce dernier par un étranger masqué. Cela tient du cinéma expressionniste des années 1920, des créations noires et poétiques de Fritz Lang ("M le maudit", "Mabuse le joueur"... deux films muets de 1922...), des premiers films sur le thème de Fantomas (1913) dont les références ont de toute évidence, inspiré mise en scène et décors d'André Engel.

La réalisation vidéo de Chloé Perlemuter suit le fil de cette action criminelle, en mettant en avant les contrastes glaçants de chaque scène. Versatilité de la foule, confrontation des protagonistes... Le Paris baroque de la nouvelle d'Hoffmann, s'est mué en un vaste hall, celui d'un palace des années 1920 (l'époque de la création de l'opéra). La caméra, en un angle pertinent, suit le changement des décors, dans les coulisses du vaisseau Bastille. A chaque scène correspond sa boîte de décor; les plateaux sur roulettes défilent au fur et à mesure de l'action, et s'emboîtent dans le cadre de scène. Tout s'enchaîne en une théorie glaciale, mécanique qui souligne davantage la noirceur implacable du propos. L'excellente cohérence du plateau vocal (palmes pour la fille de Cardillac, Angela Denoke), rend légitime, aux côtés de la qualité de la réalisation, la publication de cette "première" parisienne, au dvd. D'autant que l'éditeur ajoute un très intéressant documentaire, que Arte avait diffusé (février 2007), dans le cadre de son cycle de documentaires 2007 "Découvrir un opéra": André Engel, Gérard Mortier y expliquent, extraits à l'appui, la nature de la musique et les options théâtrales de la production parisienne. Complet et soigné, le contenu du dvd est incontournable.

Paul Hindemith (1895-1963)
Cardillac, 1926
Opéra en trois actes et quatre tableaux
(version de 1926)
Livret de Ferdinand Lion
D’après la nouvelle de E.T.A Hoffmann
"Das Fräulein Von Scuderi"

Cardillac, Alan Held
Die Tochter, Angela Denoke
Der Offizier, Christopher Ventris
Die Dame, Hannah Esther Minutillo
Der Kavalier, Charles Workman
Der Goldhändler, Roland Bracht
Anführer der Prevote, Stephen Gadd

Orchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Kent Nagano, direction
André Engel, mise en scène

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