Snoopy Admin
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| Sujet: Vincent Borel, un curieux à l'opéra 2007-02-27, 19:41 | |
| par Camille de Joyeuse Eloge de l’opéra-plaisirs, de l’opéra-lieu de vie. Il fut un temps pas si éloigné, où l’on « intriguait, buvait, jouait, draguait », où l’opéra signifiait délectation du spectacle certes mais surtout du vivre ensemble. Avec ses excès, ses délires, ses abus, ses convenances et bien sûr, ses codes. Aller à l’opéra signifiait hier, user et abuser d’un lieu exposé, convoité ; où voir, être vu, écouter autant que dire, parler, crier étaient de mise. Songez à cette remarque de Balzac que l’auteur cite non sans malice : « le théâtre est la réunion économique de toute une société qui s’examine et s’amuse d’elle-même ». De fait, l’organisation du vaisseau lyrique offre en miroir, un visage aux sociétés organisées, qui s’y complaisent à démonter et passer au crible, les codes sociaux qu’elles ont elles-mêmes édictés. L’abécédaire « impertinent », rédigé par Vincent Borel égrène au rythme de chaque entrée de l’alphabet, une évocation du monde lyrique côté scène et côté salle, avec un humour subtilement documenté. Fidèle à son dessein, il s’agit de donner vie à tout ce qui n’existe plus aujourd’hui et qui pourtant, nourrit encore la légende de l’opéra. Ses anecdotes parcourant quatre siècles d’un genre ininterrompu qui ne s’est jamais autant mieux porté. Même si les conventions du silence et de la discipline ont imposé aujourd’hui leur loi (par égard pour la musique tout simplement, ou déjà pour ses voisins spectateurs), l’auteur célèbre les époques où l’on allait au théâtre pour y vivre bel et bien, boire et manger, parler, se divertir au sens large du terme, faire ses mondanités. D’ « Applaudir » à « Zonard », vous y réviserez non sans plaisir, votre connaissance de la planète lyrique : quelle définition juste au mot « claque », usage établi à l’Opéra de Paris jusqu’en 1910 ; quel type de salle Lully invente-t-il ?; lumineuse histoire des castrats ; fantasmagories des décors ; apparition des saintes figures sur la scène lyrique ; au chapitre, « feu », vous y comprendrez comment à Paris, Milan, Venise, entre autres, le brasier est pour l’opéra, ce terreau ordinaire des métamorphoses et des renaissances successives : « chaque opéra, depuis sa fondation, a brûlé au moins deux fois » ; Comment Lully a-t-il inventé le corps du ballet de l’Opéra de Paris après que Louis XIV ait interdit aux princes de sang de danser hors de la Cour (1681) ?; pour quelle raison toutes les loges du San Carlo de Naples possèdent-elles un miroir, usage repris dans certains théâtre comme à l’Opéra de Nice ? Ce sont aussi de cocasses évocations aux chapitres : « rideau », « souffleur », « utopie » ou encore de piquantes analyses consacrées aux figures de la folie (« yoyoter ») ou des miséreux (« zonard »). L’auteur y croise les mémoires truculentes des fidèles de l’opéra au XVIIIème et au XIXème siècle, preuve s’il en manquait que les écrivains ont de tout temps aimé passionnément suivre les créations lyriques : Casanova et Da Ponte, Balzac et Stendhal. Le ton est souvent amusé ; la plume, acérée, parcourt les œuvres du répertoire. Irrévérencieux, certes ; plutôt communicatif et enthousiaste. Cet abécédaire plaira aux accrocs comme aux néophytes tant il se délecte à transmettre sa passion du lyrique. |
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