Lionel BORD, né en 1976

Eléments biographiques:

Lionel Bord est un compositeur et bassoniste français né à Paris en 1976. Il démarre sa carrière de musicien par le basson au Conservatoire national de région de Nantes avant de continuer et parfaire ses études à l’École nationale de musique de Gennevilliers puis au Conservatoire national supérieur de Paris dans la classe de Pascal Gallois où il obtient en 1998 un Premier prix de basson à l’unanimité ainsi qu’un Premier prix de musique de chambre. En 1999, il entre à la Musikhochschule de Bâle en Suisse où il poursuit sa formation auprès de Sergio Azzolini. Après avoir été pendant trois ans le basson solo de l’Opéra de Rouen, il est depuis 2003, basson de l’Orchestre de Paris. Titulaire du Certificat d’aptitude, Lionel Bord enseigne le basson au conservatoire de St-Maur-des-Fossés puis au Conservatoire national supérieur de Paris jusqu’en 2009.Tout en poursuivant son activité instrumentale, il étudie la composition et l’orchestration avec Allain Gaussin avant d’être admis, en 2001 dans la classe d’Emmanuel Nunes au Conservatoire national supérieur de Paris. Il suit les cours d’analyse de Frédéric Durieux et Alain Mabit, de nouvelles technologies appliquées à la composition avec Luis Naón, Yann Geslin et Tom Mays et d’orchestration avec Marc-André Dalbavie. Il décroche un Prix d’analyse en 2002 et un Prix de composition à l’unanimité en 2006.



Ses compositions concernent tous les types de formations, du solo à l’orchestre symphonique. Lionel Bord reçoit des commandes de l’Ensemble intercontemporain, de l’Orchestre de Paris, de l’ensemble TM+, de l’ensemble Multilatérale, de l’ensemble Utopik, de Radio France, de l’Orchestre Poitou-Charentes, du quatuor Habanera et du Duo Maderas. Il collabore également avec l’ensemble Berlingot, l’ensemble Nomos, l’ensemble Smash, l’ensemble Multilatérale, le quatuor Byron, ainsi qu’avec les chefs d’orchestre Guillaume Bourgogne, François-Xavier Roth, Arie Van Beek, Alexandre Bloch et Christoph Eschenbach. En 2004, il compose Nébuleuses… pour quatre saxophones soprano, commande du Quatuor Habanera qui fait l’objet d’un enregistrement par Luis Sclavis. En 2007, l’Orchestre de Paris lui commande Fulgurances pour huit violoncelles, ainsi qu’une transcription des Nuits d’été de Berlioz pour voix et huit violoncelles. L’Ensemble intercontemporain crée en 2011, 666, un trio pour clarinette, violoncelle et piano. Plus récemment, Radio-France lui commande une pièces pour orchestre, Shortcuts (2014), et une pièce de musique de chambre pour six musiciens, Folia (2017, co-commande avec l’Ensemble intercontemporain). D'autre part, Lionel Bord est à l'origine de nombreuses transcriptions et orchestrations. (biographie inspirée en grande partie par IRCAM - Lionel Bord)

Un entretien avec le compositeur paru ICI

Les motivations d'un créateur:

Fantasmi est un conte fantastique. Le titre, en italien, désigne aussi bien les fantômes que les fantasmes. C'est autour de ces deux thèmes que s'articule la dramaturgie de l'oeuvre. L'histoire racontée est celle de nos fantômes intérieurs; peuple errant de notre inconscient qui nourrit nos fantasmes et que nous nous efforçons de tenir en respect pour ne pas sombrer dans la folie. Y parvient-on vraiment? Difficile à dire, mais j'ai parfois tendance à penser que nous sommes tous un peu fous! La frontière qui sépare la raison de la folie semble si fragile que nous sommes en droit de nous demander si nous n'évoluons pas constamment dans un espace intermédiaire: ni totalement raisonnable, ni totalement fou.

Cette oeuvre tente d'apporter une réponse musicale à cette question (une pure folie!). Elle se situe dans cet espace intermédiaire, si fragile et indéfinissable, que la musique qui en émerge n'est que l'ombre d'elle-même. Les sonorités sont étranges, murmurées, voire insaisissables. Il s'en dégage une sensation de fébrilité, d'instabilité renforcée par la rapidité du tempo de certaines sections. Les éléments musicaux ne tiennent qu'à un fil, si bien qu'à tout moment l'ensemble peut basculer dans le chaos (la folie). Quelques moments de repos tout de même (la raison), où le discours se veut un peu plus rassurant...en apparence... Cette oeuvre est dédiée à Emmanuel Nunes.

Lionel Bord.

Mon commentaire

Je partage le sentiment de Lionel Bord sur cet espace intermédiaire dans lequel nous évoluerions, entre raison et folie, en évitant de basculer complètement dans l'une ou l'autre: que serions-nous si nous n'étions que raison sans le moindre grain de folie en nous? Ennuyeux et si peu créatifs sans aucun doute. Et si, au contraire, nous basculions entièrement dans la folie, nous ne serions alors qu'incontrôlables et perdus à jamais: l'abîme, le chaos! D'ailleurs, passer d'une symphonie de Max Bruch à Fantasmi pour orchestre de Lionel Bord, qui évolue dans un registre purement atonal, fut pour moi d'une transition hautement radicale, ce que les réfractaires à l'atonalisme qualifieraient de passage de la raison à la folie...mais, justement, j'aime ces traits de folie qui jaillissent en mille éclats de Fantasmi. Alors, je ne dirai pas qu'en l'écoutant j'arrive aux mêmes inspirations que Lionel Bord, ce serait mentir et c'est généralement peu probable tant la musique est un art fondamentalement abstrait. On peut tellement voir de choses à travers une oeuvre musicale ou - ce qui arrive aussi - ne rien voir tu tout, juste ressentir (ou pas), juste vibrer (ou pas) à son rythme ou au gré des rebondissements: préférer ses fougues à ses accalmies ou vice-versa ou aimer les deux, être ému par ses contrastes, parce que les fougues apportent une nécessité aux accalmies et que les accalmies renforcent la puissance expressive des fougues. C'est un peu ce qui ressort de cette écoute, finalement loin des fantômes et des fantasmes traduits avec des mots par le compositeur.

Prix de Composition 2006: par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire sous la direction de Guillaume Bourgogne.