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 Opéra: les premières ( et parfois les dernières...)

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Snoopy
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Snoopy

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MessageSujet: Opéra: les premières ( et parfois les dernières...)   Opéra: les premières ( et parfois les dernières...) Empty2007-01-31, 06:37

ART LYRIQUE A l'opéra plus qu'ailleurs, la «première» suscite une tension particulière. A la fois artistique et mondaine, elle cristallise les attentes du public et provoque parfois des affrontements idéologiques.

Paris, un soir de première. Le compositeur Edgar Varèse crée Déserts au Théâtre des Champs-Elysées. Nous sommes en 1954. Pour la première fois, de la musique sur bande magnétique, concrète et électronique, bruit à l'oreille du public, en plus de celle de l'orchestre traditionnel. C'en est trop. Certains se lèvent, outrés: «Assassin!», «Pendez-le»! Depuis le Sacre du printemps de Stravinski, la France n'a pas connu pareil scandale autour d'une oeuvre musicale.

Genève, près de cinquante ans plus tard. L'Américaine Francesca Zambello met en scène Aïda au Grand Théâtre. Jeeps, chiens et ordinateurs envahissent la scène. Pour le public, c'en est encore trop. Comble de malheur, une partie du décor s'effondre en pleine représentation. Aux «ta gueule» et «c'est nul» qui fusent dans la salle, le chef d'orchestre rétorque: «Vous n'aimez pas la mise en scène, soit, mais respectez au moins Verdi!» Et les musiciens de reprendre.
Elles sont légion, dans l'histoire de l'opéra, les réactions spectaculaires au cours des «premières». Mais souvent, lors des représentations qui suivent, le soufflé retombe et le succès point. «Cela prouve que le public de la première est un peu différent des autres. Peut-être plus aisé et plus conservateur, il est attiré avant tout par le prestige de l'événement», explique le musicologue Luca Zoppelli, professeur à l'Université de Fribourg.

QUESTION DE TAILLE

De là à considérer les premières comme des «cérémonies sinistres où smokings et robes sapins de Noël envahissent le parterre», selon les mots d'un critique railleur... «Le public de l'opéra est beaucoup plus hétérogène qu'on ne le croit», affirme le professeur. Car l'art lyrique, bien plus que le théâtre parlé ou la musique instrumentale, concentre un nombre impressionnant de corps de métiers, qui attirent leur lot de spécialistes et de passionnés. «A l'opéra, tout est question de proportions. Les salles sont plus grandes, les spectacles plus chers, les stars internationales. La presse étrangère fait souvent le déplacement, précise Alain Perroux, musicologue chargé du Service culturel du Grand Théâtre de Genève. Au théâtre, les premières sont attendues par la profession, mais elles dépassent rarement la dimension locale ou linguistique.»

Chant, mise en scène, musique, lumières, costumes... «La représentation idéale devrait combler les attentes des connaisseurs de chacun de ces domaines. Une mission quasi impossible pour les producteurs, ce qui explique aussi certaines réactions exacerbées et la division parmi les spectateurs», analyse Luca Zoppelli.

PEU D'ÉLUS

En première ligne, bien sûr, les chanteurs, dont on exige une virtuosité vocale et physique. «L'opéra a ses grands morceaux de bravoure, que seuls quelques oiseaux rares sont capables d'interpréter», commente Alain Perroux. «L'air de la folie», aigu et virtuose, dans Lucia di Lammermoor, de Donizetti; «l'air du Nil» dans Aïda ou celui du ténor, «Céleste Aïda», un peu particulier parce qu'il est situé au début de l'oeuvre: ils sont très attendus et souvent applaudis. En décembre dernier, «Céleste Aïda», précisément, a coûté son poste à Roberto Alagna, sifflé lors de la deuxième représentation.

La propension du public à se manifester dépendrait aussi des maisons – la Scala de Milan est réputée pour ses premières mouvementées – et des pays. «En Italie, la mentalité de diva prévaut, explique Emilie Pictet, jeune cantatrice genevoise et spectatrice assidue. Les chanteurs n'ont souvent que la voix. Ils s'avancent sur scène, bombent le torse façon Farinelli, et hurlent leur air. A l'inverse, l'Allemagne est le pays des metteurs en scène. Le public d'opéra est d'ailleurs assez jeune, en particulier à Berlin, et les productions avant-gardistes.»

Pour cause: les théâtres allemands emploient une troupe à l'année qui puise dans un répertoire. Alors que les institutions latines fonctionnent avec des spectacles à l'affiche uniquement durant quelques semaines. Les premières, fatalement, y sont plus attendues. «Mais je me demande si certains flops ne sont pas calculés à l'avance, par stratégie marketing. Il était clair que Roberto Alagna n'avait pas la voix pour ce rôle. La Scala souhaitait peut-être faire les gros titres, même avec des articles négatifs», avance Luca Zoppelli. «Mais n'oublions pas que, lors de la plupart des premières, il ne se passe rien du tout!»

Au fil des siècles, d'ailleurs, une distance s'est instaurée entre la scène et le public. Terminée, l'époque où les spectateurs interrompaient les musiciens pour commenter leur prestation. «Aujourd'hui, la participation se veut plus distante, moins chaleureuse, donc moins polémique», affirme-t-il. Même si l'opéra – et en particulier la première – demeure le lieu d'affrontements idéologiques. «Lorsque dans les années cinquante les petits-fils de Wagner, Wieland et Wolfgang, dépoussièrent son oeuvre en ouverture du festival de Bayreuth, c'est un choix politique, une volonté de le débarrasser de son étiquette nazie. La résistance du public, qui a crié à la traîtrise, était politique, elle aussi, bien qu'il n'en ait pas forcément eu conscience.»

RETOUR EN GRÂCE

Quant aux compositeurs contemporains, qui ont un peu délaissé l'opéra durant les années soixante et septante, ils y reviennent depuis quelque temps. «Sous l'influence de Pierre Boulez, figure tutélaire, on considérait l'opéra comme un genre mort, réservé aux bourgeois, explique Alain Perroux. Mais aujourd'hui, beaucoup de compositeurs, cantonnés à la musique de chambre pour des raisons économiques, rêvent d'en écrire. L'opéra leur offre des moyens plus grands et une visibilité internationale.» Lundi prochain justement, le Grand Théâtre de Genève propose une «création mondiale», J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, une oeuvre signée Jacques Lenot, d'après la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce.

Les metteurs en scène aussi, se penchent désormais sur l'opéra. «Une oeuvre montée par Patrice Chéreau ou Olivier Py est toujours un événement», souligne Alain Perroux. Avec plus ou moins d'effets lors des premières. «Pour Tannhäuser de Wagner, monté à Genève par Olivier Py, la salle s'est scindée en deux clans. Les uns ont quitté la salle, les autres, dont moi-même, ont adoré. J'y suis retournée trois fois, même si je n'étais pas en accord avec toutes les options de mise en scène», se souvient Emilie Pictet. Conclusion: «Je crois qu'à l'opéra, il est important que les metteurs en scène innovent, qu'ils prennent le risque de ne pas toujours satisfaire les attentes paresseuses et confortables d'un public qui cherche avant tout à se divertir.»

LE CAS WAGNER

Certains compositeurs ou certaines œuvres suscitent leur lot de fanatiques, explique Alain Perroux, du Grand Théâtre de Genève. «Les Troyens de Berlioz par exemple. Et tous les opéras de Wagner. Lorsqu’on en propose un, on sait que des cars vont affluer de toute l’Europe.» Les experts l’admettent, Wagner, dans le milieu de l’opéra, c’est un monde en soi. «Certains passionnés sont envoûtés par la musique. D’autres sont attirés par les voix. D’autres encore apprécient d’abord les légendes, qui leur rappellent les contes de Grimm de leur enfance. Et enfin, il y a ceux qui aiment Wagner pour toutes ces raisons», analyse Georges Schürch, président du Cercle romand Richard Wagner – et, dans le civil, directeur général du Cycle d’orientation de Genève. Les amateurs, issus de tous les milieux sociaux, peuvent être des wagnériens exclusifs ou avoir des intérêts variés. Célèbres pour leur durée, les opéras de Wagner ne nécessitent pas plus de préparation, assure Georges Schürch. «Bien sûr, on apprécie toujours mieux si on a lu le livret. Mais aujourd’hui, la tendance au surtitrage facilite la compréhension.» Chaque été, les wagnériens se rendent aux Festspiele de Bayreuth, festival fondé par Wagner lui-même en 1876, un lieu unique au monde, puisqu’il l’a conçu spécialement pour jouer ses œuvres. «Les premières de Bayreuth, avec leurs invités officiels, leur donnent un aspect mondain, c’est vrai. Mais Wagner ne le souhaitait pas, précise Georges Schürch. Le compositeur avait un projet social: que le public puisse accéder gratuitement à son théâtre. D’ailleurs, côté prix, Bayreuth reste moins cher que Salzburg.»

RAPHAËLE BOUCHET
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