Darren FUNG

Eléments biographiques:

Des expressions telles que "surdoué" et "très influent" sont utilisées par des collègues à propos de Darren Fung. C'est peut-être dû au fait que Darren Fung est l'un des compositeurs canadiens les plus accomplis. Et, depuis qu'il a été nominé quatre fois pour le Prix Écrans canadiens, sa sublime partition pour Equus : L'histoire du cheval lui a en fait valu le prestigieux trophée 2019 de la meilleure musique originale non-fictionnelle. C'est son travail original sur The Great Human Odyssey qui l'a ouvert à de nombreux éloges de la critique, ce qui lui a également valu le "Canadian Screen Award 2016" de la meilleure musique originale pour une série non-fictionnelle et une nomination de l'"International Film Music Critics Association". Désormais originaire de Los Angeleno, ce multi-instrumentiste représente bien plus que d'accumuler des récompenses dans son pays d'origine. Il a parcouru un long chemin depuis qu'il a composé une pièce à l'âge de 15 ans pour le "Young Composer Project" de l'Edmonton Symphony Orchestra. Darren Fung croit que ce qui a le plus contribué à son succès en tant que compositeur est une combinaison d'ingéniosité et d'esprit d'entreprise. Teragram dirait que c'est aussi le fait qu'il est follement prolifique, avec un esprit toujours en marche — toujours en train d'inventer, d'explorer toujours de nouvelles façons imprévisibles de donner vie à l'image.

Darren Fung fait quelque chose de rare dans le monde de la musique de catalogue pour la publicité cinématographique et la promotion télévisée : il dirige et enregistre chaque réplique avec des musiciens en direct. Et c'est un perfectionniste. "Comme tous les bons garçons chinois, j'ai commencé à jouer du piano à l'âge de trois ans, puis du violon, puis du saxophone, le tout à l'âge de treize ans. J'ai étudié le piano jazz, la composition classique d'avant-garde, la musique électronique, le chant choral et direction d'orchestre - tout ce que j'ignorais au début et qui a finalement fait de moi le musicien complet que je suis aujourd'hui. En plus de sa carrière de compositeur à temps plein, Darren Fung est actuellement le deuxième vice-président de la "Screen Composers Guild of Canada" et agit en tant que conseiller de programme pour la résidence "Slaight Music" du Centre canadien du film.

L'instant musical



<<La musique que je fais pour la publicité n'est vraiment pas si différente de ce que j'écris pour quoi que ce soit d'autre, parce qu'en fin de compte, je me lance juste pour écrire une sacrée bonne musique. Donnez-moi juste une bonne mélodie à chanter. Ce crochet est si important.

Qu'est-ce que ça fait de créer quelque chose à partir de rien ? Je pense que c'est la partie la plus difficile du travail, point final. Que vous écriviez une partition, un opéra ou de la musique de concert, peu importe le type de musique que vous écrivez, ces idées doivent venir. Parfois, ils viennent facilement… parfois !>> Darren Fung

Je conserve une réelle affection pour la musique de film, même si, plus globalement, la musique de concert, surtout à partir du vingtième siècle, a pris le dessus depuis un bon nombre d'années. La raison de cet intérêt qui perdure s'explique par le fait que la bande originale est à l'origine de ma passion pour la musique. Donc, j'ai toujours besoin d'y revenir, non seulement avec tous les compositeurs qui ont excellé dans ce domaine et m'ont durablement fasciné, mais aussi en m'intéressant aux différentes évolutions de la musique et donc aux nouveaux noms qui émergent au fil du temps. Mon ambition n'a jamais été d'être à l'affût de chaque nouveauté, d'être un béophile assidu et incollable, alors je pioche ci et là dans le choix qui m'est proposé et selon les opportunités qui se présentent à moi, évitant l'arbitraire, misant sur les renseignements que j'arrive à glaner sur quelques sites spécialisés, par exemple, et mon intuition qui s'appuie en partie sur mon expérience personnelle. Les deux derniers compositeurs sur lesquels je viens de jeter mon dévolu sont Zeltia Montes et donc Darren Fung. La première est espagnole et je l'ai abordée par une musique d'un documentaire intitulé Fragil Equilibrio (2017), le second est canadien et je l'ai abordé, lui aussi, par une musique de documentaire: il s'intitule The Great Human Odyssey (2015).

<<La série documentaire en trois parties The Great Human Odyssey explore la survie improbable et l'émergence miraculeuse de l'Homo sapiens en tant que seule espèce mondiale au monde. La recherche climatique ancienne a révélé que nous avons évolué au cours de l'ère la plus volatile depuis l'extinction des dinosaures. Tout comme les nombreux autres types d'humains qui ont autrefois partagé notre monde, nous aurions dû mourir. Au lieu de cela, notre espèce a survécu pour peupler tous les coins de la planète, contre toute attente. En 18 mois de tournage, Niobe Thompson a suivi les traces de nos ancêtres à travers des lieux sur cinq continents, travaillant avec 22 cinéastes canadiens, américains et sud-africains, y compris des spécialistes des images aériennes, sous-marines et ultra-ralenti. Équipées de la prochaine génération de caméras ultraHD 4K, les équipes de tournage ont travaillé dans certains des environnements les plus hostiles de la planète, notamment la Sibérie arctique, les îles reculées du Pacifique Sud, les forêts tropicales humides et les déserts africains.>>



Ce que je peux dire dans un premier temps, c'est que je ne considère ni Zeltia Montes ni Darren Fung comme une "révélation", c'est-à-dire que je n'y ai pas découvert une approche musicale qui m'intéresse suffisamment, même si, paradoxalement, j'ai apprécié ces musiques, leur ai trouvées un certain charme, un certain degré de séduction. Ce sont de bonnes musiques et, dans les deux cas, bien que les approches soient très différentes, l'élément sonore qui m'a le plus touché est le piano. Ce qui me touche le moins: un côté "gros son" comme celui de la vidéo ci-dessus. Sans le piano, Mon oreille aurait été nettement moins flattée sur The Great Human Odyssey. Je me suis plusieurs fois intéressé aux musiques de documentaires traitant de la naissance de l'homme et des différentes étapes de son évolution. J'avais par exemple jeté mon dévolu sur la bande-son de L'Odyssée de L'espèce (2002) que j'avais d'abord apprécié dans son contexte. Signée Yvan Cassar, celui-ci poursuivit l'aventure humaine avec Massaï, les guerriers de la pluie de Pascal Plisson (2004). De belles musiques de forme épique, généreuses en voix et en lyrisme, mais pas non plus un style musical qui me fut suffisamment surprenant et remarquable. L'approche musicale qui m'a le plus intéressé arrivera avec la partition du film documentaire de Jacques Malaterre; Homo Sapiens (2004) confectionnée par Louis Dandrel qui, malheureusement, nous quitta au début de cette année 2021. Moins lyrique et extravertie que les compositions respectives de Yvan Cassar et Darren Fung, elle me parut recherchée, audacieuse, créative. The Great Human Odyssey sait quand même s'écarter du côté "gros-son-un-peu-formaté" que j'évoque plus haut pour m'apporter des tournures plus fines, plus attachantes. Comme pour Zeltia Montes, je laisserai traîner une oreille - on ne sait jamais! - Darren Fung m'épatera peut-être, mais disons que je n'en fais pas une priorité.

Finalement, maintenant que je commence à bien apprivoiser la bande originale de The Great Human Odyssey, seule musique que je connais du compositeur canadien Darren Fung, je l'apprécie de plus en plus, sans doute parce que les "points forts" ont fini par prendre le dessus sur les "points faibles" durant mon appréciation personnelle. C'est ce piano, ce piano omniprésent qui m'offre une forme de proximité intime avec la musique de Fung qui, au fond, a un parfum d'évasion, de voyage, qui respire les grands espaces. Pendant l'écoute, j'avais l'impression d'être à califourchon sur une caméra volante et de survoler des paysages magnifiquement sauvages, de remonter l'histoire de l'homme moderne sous des envolées lyriques où les choeurs apportent un volume à la pâte orchestrale, semblent dominer le ciel pendant que les grosses percussions enfoncent des pas grossiers dans un sable brûlant. Puis il y a ce piano solitaire et contrastant qui incarne la délicatesse, la fragilité, la finesse. Il est peut-être ce guide intemporel et autonome qui traverse le temps et les époques, comme un fil conducteur sur lequel, tel un funambule, mon esprit trouve son équilibre.

"Quand Niobe Thompson (réalisateur du documentaire) m'a approché pour la première fois pour composer la partition de The Great Human Odyssey, je dois admettre que j'étais sceptique", a déclaré Darren Fung. "Mais quand il m'a montré quelques-uns des rushs de ses tournages en Sibérie, ma mâchoire a heurté le sol. La passion de Niobe pour le partage de la science est contagieuse, et cela laisse la plus grande question, comment marquer de sa musique un documentaire scientifique ? Heureusement, Niobe est également passionné par le fait de raconter une belle histoire. J'ai vite compris – ils avaient besoin d'une partition qui corresponde à la grandeur de l'image."



Me vient alors une question qui n'a rien à voir: Darren Fung a-t-il un lien de parenté avec Viviane Fung, autre compositeur canadien? Il est fort probable que non - Fung en Chine c'est sûrement un peu comme Martin en France - puis, dans l'absolu, c'est sans importance. Est-ce que je me laisserai tenter par une autre composition de Darren Fung si l'occasion d'en écouter se produit? Disons que je n'ai pas été conquis par un style musical marqué et marquant, comme je pus l'être avec des créateurs tels que Bruno Coulais, Franco Piersanti ou encore Carter Burwell, ces fortes personnalités musicales qui se reconnaissent dès les premières mesures et me fascinent la plupart du temps, néanmoins il y aura toujours la curiosité de découvrir quelque-chose d'autre, tout simplement parce que j'aurai en mémoire une musique qui m'a suffisamment plu pour avoir envie de tenter à nouveau l'aventure. On ne sait jamais. Ce ne serait pas la première fois où je serais agréablement surpris par un compositeur étant loin de faire partie de ceux dont j'attends le plus.