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Sujet: Henri DUPARC (1848-1933) 2006-08-24, 20:32
Henri Duparc, de son vrai nom Henri Fouques-Duparc, né à Paris le 21 janvier 1848 et mort à Mont-de-Marsan (Landes) le 12 février 1933, est un compositeur français.
Duparc fait ses études secondaires au collège jésuite de Vaugirard. Son professeur de piano n'est autre que le grand César Franck. Ce dernier lui fait comprendre qu'il ne pourra jamais être un pianiste virtuose, mais qu'il y a, en lui, l'étoffe d'un compositeur. A l'image des musiciens qui lui sont contemporains, Henri Duparc répond à l'appel du temps : réconcilier, rapprocher, faire se rejoindre mélodie et parole afin que cesse l'antique différent entre le discours libre de la musique et celui, impérieusement syntaxique et sensé du langage verbal. Voir à ce sujet l'article d'Evelyne Andréani Les rapports texte-musique ou les aventures du sens, in Analyse Musicale n° 9, Paris, octobre 1987. Il y a urgence. L'Europe gronde et se déchire. Quel est le contexte ? Concrètement, la guerre de 1870 blesse gravement les relations entre français et allemands. Dans les deux pays, la musique est prise en otage. Les inconditionnels de Wagner existent de part et d'autre du Rhin, ainsi que leurs pugnaces rivaux. Déjà l'amitié, l'émulation entre un Berlioz et un Wagner ne sont plus possibles. Les artistes se divisent, les sensibilités s'opposent.
C'est une faille, "une fêlure" comme dirait Zola qui soudain passe au travers de tout le continent européen, de ses peuples et de leurs représentants. Pourtant un grand essor, philosophique, romanesque et musical s'annonçait, était en promesse. Large et puissante, l'expression de l'esprit dans toute les disciplines, s'apprêtait à se hisser au niveau des abondantes découvertes scientifiques et technologiques, qui semblaient modifier chaque jour le destin de l'humanité. Nombreux sont les exemples. Ainsi, la quête quasi obsessionnelle d'un Flaubert à la recherche de la phrase juste, se poursuit dans les formes brèves de son disciple Maupassant. Mais la béance est là, le nouvelliste et romancier est déchiré lui aussi. Le corps et la tête semblent ne plus marcher de concert. Comme si la chair assassinait les mots. Des poètes, tel Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, un peu plus tard Artaud, ont exprimé fort justement, l'extrême tension de l'époque.
Henri Duparc, plus qu'un autre, ressent physiquement l'écartèlement, l'abîme grandissant, qui s'ouvre au cœur même de sa génération. Qu'est-ce que cette maladie nerveuse - si étrange, si imprécisément diagnostiquée par les médecins - qui s'abat implacablement sur lui, entrave sa force créatrice, sinon la tragique manifestation dans la personne de ce grand compositeur, de l'effondrement général du corps nerveux de l'Occident ? Où pour le dire avec les mots qu'il affectionne : Pourquoi n'as-tu pas dit, ô rêve, où Dieu nous mène. Pourquoi n'as-tu pas dit s'ils ne finiraient pas, l'inutile travail et l'éternel fracas dont est faite la vie, hélas la vie humaine ? (extrait de La Vague et la Cloche, mélodie d'Henri Duparc sur une poésie de François Coppée).
Union parfaite de la mélodie et des paroles, écrit Lucien Rebatet à propos des chansons d'Henri Duparc. N'est-ce pas ce que Nietzsche attendait de la musique ?
Composées au prix d'un effort surhumain, les dix-sept mélodies d'Henri Duparc sont d'une grâce inouïe. Véritable équilibre appolonien, d'une lumineuse clarté, le mot répond à la note, l'accord se pose avec délicatesse sur la rime. Le cycle de ses chants s'acheve en 1885. Le dernier, La vie antérieure, aura occupé l'esprit du compositeur pendant dix ans (1874-1884). Cette célèbre poésie de Baudelaire trouve son accomplissement dans la sublime mélodie que lui accorde Duparc. En dépit de sa brièveté, la durée de son interprétation n'excède guère quatre minutes, cette œuvre a les proportions d'un vaste édifice gothique. La richesse de l'expression harmonique, le lyrisme des moindres inflexions sont extraordinaires.
Henri Duparc a trente-huit ans (en 1885) quand la maladie nerveuse dont il est atteint depuis de nombreuses années, l'empêche définitivement de composer... Il s'éteint le 12 février 1933. Bien qu'il ait détruit un grand nombre de ses compositions, ce qui nous reste de son œuvre est grandiose. D'une grande facture, sensibles et expressives, ses dix-sept mélodies ont suffi à faire de lui un compositeur d'exception.
joachim Admin
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2006-08-25, 09:51
Son court catalogue comporte, outre les 17 mélodies (dont un duo : la Fuite) :
Aux Etoiles, Prélude pour un Poème Nocturne en 3 parties. Lénore, poème symphonique Danse lente extraite de Roussalka, un opéra détruit Sonate pour violoncelle et piano Feuilles volantes, 6 pièces pour piano Laendler pour 2 pianos un motet pour choeur et orgue : Benedicat vobis Dominus
joachim Admin
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-16, 18:10
Catalogue complet "H"
H.A : musique orchestrale
H.A1 : Poème nocturne (1874) : 1. Aux Etoiles 2. Lutins et Follets (perdu) 3. L'aurore (perdu) H.A2 : Suite de Valses (1874) H.A3 : Lenore, poème symphonique (1875) H.A4 : Danse lente en ut majeur (partie sauvegardée de l'opéra Russalka détruit) Suite d'orchestre (1872) (perdue) Laendler, suite de valses (1873) (détruit)
H.B : musique instrumentale
H.B1 : Six Rêveries pour piano (1865) H.B2 : Sonate pour violoncelle et piano en la mineur (1867) H.B3 : 5 Feuilles volantes pour piano, op 1 (1869) H.B4 : Beaulieu, pour piano (1869) Laendler, suite de valses pour 2 pianos (1873) (détruit) Lénore, transcrit pour 2 pianos par Camille Saint-Saëns en 1884 Suite pour le piano (1877) (perdu) Aux Etoiles, transcription pour piano à quatre mains ou orgue (1911)
H.C1 : 17 mélodies avec piano
1 : Chanson triste, texte Jean Lahor, op 2 n° 4 1868) 2 : Lamento, texte Théophile Gauthier (1868) 3 : Le Galop, texte de Sully Prudhomme, op 2 n° 5 (1869) 4 : Romance de Mignon, texte de Victor Wilder, d'après Kennst du das Land de Goethe, op 2 n° 3 1869 5 : Sérénade florentine, texte de Jean Lahor, op 2 n° 2 (1869) 6 : Soupir, texte de Sully Prudhomme, op 2 n° 1 (1869) 7 : Au pays où se fait la guerre, texte de Théophile Gauthier (1870) 8 : L' Invitation au voyage, texte de Charles Beaudelaire (1870) 9 : La Fuite, duo pour soprano, ténor et piano, op 2 n° 6 (1871) 10 : La Vague et la cloche, texte de François Coppée (1871) 11 : Phidylé, texte de Leconte de Lisle (1872/82) 12 : Elégie, texte de Ellen MacSwinny d'après Thomas Moore (1874) 13 : Extase, texte de Jean Lahor (1874) 14 : La Vie antérieure, texte de Charles Beaudelaire (1876/84) 15 : Le Manoir de Rosemonde, texte de Robert de Bonnières (1879) 16 : Sérénade, texte de Gabriel Marc (1880) 17 : Testament, texte deArmand Silvestre (1883) Recueillement (1886), inachevé et détruit
H.C2 : 8 mélodies avec orchestre
1 : Chanson triste (1912) orchestration de la mélodie de 1868 2 : Au pays où se fait la guerre (1876) orchestration de la mélodie de 1870 3 : L'Invitation au voyage (1895), orchestration de la mélodie de 1870 4 : La Vague et la Cloche (1873), orchestration de la mélodie de 1870 5 : Phidylé (1892), orchestration de la mélodie de 1882 6 : La Vie antérieure (1911), orchestration de la mélodie de 1884 7 : Le Manoir de Rosemonde (1912), orchestration de la mélodie de 1879 8 : Testament (1902), orchestration de la mélodie de 1883
H.D1 : Motet "Benedicat vobis Dominus", pour choeur à 3 voix mixtes et orgue (1882)
Détruit : Roussalka, opéra en 3 actes basé sur Русалки (Russalka) de Pouchkine (1879/95) - Reste Absence, devenu "Au pays où se fait la guerre", et Danse lente
Transcriptions pour 2 pianos de JS Bach (1903)
Prélude et Fugue en mi mineur "cathédrale" BWV 513 Prélude et fugue en la mineur (le grand) BWV 543 Choral-prélude et fugue "In dir ist Freude" BWV 615
Transcription de 6 oeuvres d'orgue de César Franck pour 2 pianos (1908)
Jean
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-16, 23:53
Ah ses mélodies ...quel bonheur
NB: quand on veut écouter celle que j'ai mis plus haut....une belle illustration des recomandations de Snoopy concernant les video
Icare Admin
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-17, 08:03
Oui, mais avec un petit tour de magie on obtient une autre vidéo à la place, aussi belle à écouter qu'à regarder. Je suis vraiment sous le charme de La chanson triste d'Henri Duparc!
laudec
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-17, 10:42
moi je n'ai pas eu de souci pour visionner la vidéo en question ? bizarre quand-même l'informatique .
Bien joli moment en effet pour commencer cette journée, merci
Jean
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Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-17, 10:53
laudec a écrit:
moi je n'ai pas eu de souci pour visionner la vidéo en question ? bizarre quand-même l'informatique .
Bien joli moment en effet pour commencer cette journée, merci
c'est Icare qui pu échanger , ce matin (ou hier?) la video que j'avais mise le 12 déc (2012...ou 2011 plutot!) et qui n'était pas la même mélodie ...ni la même chanteuse (probablement Kiri Te Kanawa chantant "L'invitation au voyage"...qui est toujours sur youtub: https://www.youtube.com/watch?v=JXKhmfpxCNc)
finalement pour éviter ces "disparitions" provoquant des "trous" , ne serait il pas mieux de mettre seulement le lien qui lui (peut être?) ne disparait pas??
laudec
Nombre de messages : 5668 Age : 71 Date d'inscription : 25/02/2013
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-17, 11:07
Ah, tout s'explique alors Personnellement, je n'ai aucun problème avec les "trous", ceux-ci m'encouragent à aller chercher plus loin sur youtube ou ailleurs, ils m'invitent au voyage Un trou me semble plus significatif que rien du tout... et témoignent de la vie en continuelle évolution Il me semble que même les liens sont parfois "vides" mais certainement moins souvent que les vidéos postées puisqu'elles nous "invitent" régulièrement à aller les visionner su YT.
Icare Admin
Nombre de messages : 17374 Age : 60 Date d'inscription : 13/11/2009
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2013-05-17, 11:34
Comme j'ignorais le contenu de cette vidéo "morte", je l'ai remplacée par une autre de mon choix afin de combler le trou. J'espère, Jean, qu'elle n'est pas trop en contradiction avec tes goûts sinon fais-moi une autre proposition et j'effectuerai le remplacement.
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31008 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2020-10-13, 10:10
https://www.youtube.com/watch?v=CzyJMy6CVWQ
Jean
Nombre de messages : 8754 Age : 81 Date d'inscription : 14/05/2007
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2020-10-13, 11:08
Superbe et originale explication de texte et musique!
https://www.youtube.com/watch?v=5jmuTEs1WDM
jdperdrix
Nombre de messages : 516 Age : 73 Date d'inscription : 28/02/2013
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2020-10-13, 11:18
L'oeuvre pour orchestre a été enregistrée (1 disque !) dont les 8 mélodies orchestrées par Jérôme Kaltenbache et l'orchestre symphonique et lyrique de Nancy, avec François Pollet.
https://youtu.be/MzkCwxwBFq4 Le crescendo sur "chaude lumière" ! Tout est disponible sur youtube.
Snoopy Admin
Nombre de messages : 31008 Age : 49 Date d'inscription : 10/08/2006
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2021-04-02, 16:38
https://www.youtube.com/watch?v=lgYMNaovm7Q
Pébété
Nombre de messages : 2480 Age : 78 Date d'inscription : 19/03/2019
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2023-02-12, 10:54
Ce poème orchestral a été inspiré par le poème du même nom de Gottfried August Bürger de 1774 sur une femme trompée par un vampire qui ressemble à son fiancé décédé.
Lénore
Orchestre Du Capitole De Toulouse Michel Plasson
C’est probablement en 1869 que Duparc entama ce poème symphonique d’après Lénore, ballade fantastique publiée par Gottfried August Bürger en 1774 et popularisée en France par la traduction de Gérard de Nerval : une nuit, Wilhelm (son spectre, découvre-t-on à la fin du poème) vient chercher sa bien-aimée Lénore pour l’entraîner dans une chevauchée mortelle. La partition est créée le 15 mai 1875 à la Société nationale sous la direction d’Édouard Colonne, reprise le 28 octobre 1877 aux Concerts populaires de Pasdeloup. À l’issue de cette deuxième audition, Duparc se lance dans un impitoyable travail de révision : « J’ai coupé deux développements entiers pour faciliter la digestion, et je m’en félicite beaucoup, car c’était bien ceux-là qui faisaient naître chez l’auditeur un embarras gastrique. […] J’ai aussi fait pour la troisième fois de nombreuses modifications de l’orchestration ; elles sont excellentes et il n’y a rien maintenant qui ne sorte dans la perfection. » Mais par la suite, il jugera le résultat « trop teuton ». N’aurait-il pas réussi à mettre à distance son admiration pour Wagner ? À renouveler le thème de la chevauchée fantastique, cher au romantisme ? Il entre en effet en concurrence avec Schubert (Le Roi des aulnes), Liszt (Mazeppa), Berlioz (la « Course à l’abîme » de La Damnation de Faust) ou encore Saint-Saëns (Phaéton). Il se révèle moins inspiré dans la cavalcade à proprement parler, dont le matériau et la substance manquent d’originalité, mais excellent à peindre le climat désolé des premières pages : avec leur harmonie erratique et leur ligne tortueuse, Duparc se montre digne héritier de Liszt.
joachim Admin
Nombre de messages : 26946 Age : 77 Date d'inscription : 19/08/2006
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2023-02-12, 19:38
Lénore, c'est avec le nocturne "Aux Etoiles", une des rares œuvres de Duparc autres que ses mélodies.
A noter que Joachim Raff a aussi composé une symphonie (sa cinquième) sur le même thème.
jdperdrix
Nombre de messages : 516 Age : 73 Date d'inscription : 28/02/2013
Sujet: Re: Henri DUPARC (1848-1933) 2023-04-10, 11:23
Les mélodies avec orchestre par le baryton Ludovic Tézier, enregistrées en 2014 par Radio-France. Je pense préférer cette interprétation à celle de Françoise Pollet. Malheureusement, elle n'es disponible que sur youtube. Les six sont disponibles sur la chaîne de Brisefer (chercher Duparc Tézier). Voici l'Invitation au voyage. Le crescendo sur "une chaude lumière" me donne toujours des frissons...