Régulièrement enregistrée par les plus grands labels, l’œuvre abondante et protéiforme de sir Edward Elgar se réduit pour le grand public à deux compositions : les Variations Enigma et le Concerto pour violoncelle. En France, elle est tout simplement frappée d’un ostracisme incompréhensible : jamais donnée en concert, elle n’a été fréquentée au disque que par de rares audacieux (Tortelier, Navarra et Fournier dans le Concerto)… et la relève n’a pas suivi. A écouter les œuvres réunies dans cette trop brève anthologie orchestrale, on se dit que nos orchestres et nos solistes se privent de bien des plaisirs…
Composé de pièces assez brèves écrites entre 1892 (Serenade) et 1931 (Nursery Suite), il donne à entendre un Elgar plus intimiste et plus souriant que celui des grandes symphonies et des ouvertures. Le fil conducteur pourrait en être la nostalgie de l’enfance, du temps qui s’écoule, mais une nostalgie sereine, dénuée de tout pathos. La Nursery Suite forme avec le bref Dream Children un diptyque où, à trente ans d’intervalle, le compositeur dépeint avec tendresse des saynètes aux titres évocateurs : Aubade, Dreaming, The Merry Doll. Chaleureux et séducteur, l’English Chamber Orchestra, qui chante dans son arbre généalogique, ne dérape jamais dans le sirupeux. Les cordes se distinguent par leur tenue exemplaire, leurs phrasés sont impeccables sans paraître guindés. Du grand art.
La Romance pour basson s’inscrit dans le sillage du Concerto pour violon contemporain (1910) : même lyrisme sans effusion, même expressivité discrète, dans une tonalité toutefois plus mélancolique, qui caractérise du reste la suite du programme. Elegy et Sospiri, qui comptent, avec la bondissante Serenade, parmi les œuvres pour orchestre à cordes les plus représentatives de l’école anglaise (avec la Tallis Fantasia de Vaughan Williams et la Simple Symphony de Britten), se veulent plus contemplatives, voire méditatives. Ici encore, Paul Goodwin trouve la distance idéale pour interpréter ses pages sans en rajouter dans le solennel.
Un disque enchanteur, pendant moderne aux gravures historiques de Sir Adrian Boult et Sir John Barbirolli (EMI, collection " British Composers " et " Great Recordings of the Century ").
Julie Price( basson )
Stephanie Gonley( violon )
William Bennet( flûte )
Osian Ellis( harpe )
English Chamber Orchestra
Paul Goodwin( direction )
Harmonia Mundi / Harmonia Mundi 2001