Pierre de la Croix (1270-1347 ?)

Pierre de la Croix (Petrus de Cruce) est un clerc, un compositeur et théoricien français né au xiiie siècle (vers 1270) à Amiens, mort avant 1347. Il a principalement contribué au système d'écriture musicale en réformant la notation franconienne et précurseur de l'Ars nova.

On pense que Pierre le Picard, auteur de Ars mottetorum compilata breviter, un court traité reproduit intégralement par Jérome de Moravie son élève, et Pierre de la Croix sont la même personne.

Pierre est né à Amiens (ou dans les environs). Nous savons qu'il était en activité autour des années 1290 mais il était probablement connu comme compositeur avant cette date, puisque deux de ses motets se trouvent dans le fascicule VII du Codex de Montpellier. Il a tenu le titre de magister ce qui indique qu'il a probablement étudié à l'Université (Sorbonne) de Paris. Étant donné le chevauchement de leurs vies et de leur position sur Paris, Pierre a peut-être été l'élève de Franco de Cologne (théoricien musical allemand). On sait qu'il a composé en 1298 un office monophonique pour la chapelle du palais royal à Paris à la demande du roi Philippe, à l'occasion de la fête pour Saint Louis ; en 1301-2, il a résidé à la cour de l'évêque d'Amiens, en tant que clerc, et très probablement comme membre du personnel de la chapelle.

Pierre meurt avant 1347, puisqu'en cette année a lieu la première référence dans l'inventaire de la Cathédrale d'Amiens, à sa possession d'un manuscrit polyphonique qu'il avait semble-t-il laissé à la disposition du clergé. Des commentaires de gens contemporains à Pierre de la Croix parlent de lui ; le théoricien Jacobus de Liėge dit : "Qu'il est digne ce musicien, qui a suivi les préceptes de Franco et composé tant de bons et beaux morceaux de polyphonie."

L'utilisation libre par Petrus de la brève fragmentée a eu des implications profondes pour le style musical. Avec plus de notes, le triplum est devenu la plus importante des trois voix dans la texture contemporaine, et les deux autres ont été relégués à un rôle de soutien. En outre, plus de notes et une subdivision plus complexe ont entraîné un ralentissement du tempo général, la semi-brève a été effectuée plus lentement qu'il ne l'avait été dans la pratique antérieure, devenant la véritable unité du battement, et les voix inférieures ont perdu leur vitalité rythmique, devenant de simples successions structurelles de brèves et de longues.


Oeuvres

Office "De la fête de Saint-Louis"  composé à l'occasion de la fête à la basilique de Saint-Denis, un an après la canonisation de Saint Louis (1298)

Motets de Petrus : Composés vers 1300, ces motets sont toujours considérés comme faisant partie de l' Ars Antiqua. Les caractéristiques comprennent une division supplémentaire du triplum, le motetus et le triplum se déplacent vers une expression légère et élégante et un manque de préoccupation pour les principes de l'accentuation textuelle appropriée.

Amours qui se me maistrie/Solem iustitie/Solem
Aucun ont trouvé chant/Lonc tans me sui tenu/Annuntiantes
Aucun qui ne sevent/Iure tuis/Maria
Aucuns vont souvent/Amor qui cor/Kyrie eleyson
Je cuidoie bien metre/Se j'ai folement/Solem
Lonc tans ai atendu/Tant ai souffert/Surrexit
Pour chou que j'aim/Li joli tans/Kyrieleison
S'amours eust point de poer/Au renouveler du joli tans/Ecce




https://www.youtube.com/watch?v=oVu_4ZZsaKY

Merci pour avoir donner un peu d'espace à ce génial compositeur !

joachim a écrit:

L'utilisation libre par Petrus de la brève fragmentée a eu des implications profondes pour le style musical. Avec plus de notes, le triplum est devenu la plus importante des trois voix dans la texture contemporaine, et les deux autres ont été relégués à un rôle de soutien. En outre, plus de notes et une subdivision plus complexe ont entraîné un ralentissement du tempo général, la semi-brève a été effectuée plus lentement qu'il ne l'avait été dans la pratique antérieure, devenant la véritable unité du battement, et les voix inférieures ont perdu leur vitalité rythmique, devenant de simples successions structurelles de brèves et de longues.

Je ne connais pas la source de ces infos sur la notation de Pierre de la Croix... mais c'est très imprécis (pour ne fait dire franchement faux).

La principale innovation (et pour ainsi dire la seule) est le punctus divisionis, qui révolutionne l'animation rythmique d'une voix.
Il s'agit d'un petit trait ou point qui marque les divisions de la brève.



La brève se divisait déjà avant lui, au début de l'Ars antiqua, chez Francon de Cologne par exemple, en deux ou en trois. Avec Pierre de la Croix, on peut mettre 2, 3, 4, 5, 6 ou 7 semibrèves dans un brève, il suffit de les grouper entre deux punctus divisionis. La voix supérieure devient très libre rythmiquement.
Très intelligent. Par la suite, il a fallu attendre longtemps pour développer une rythmique "irrationnelle" , en recourant au n-olet (quintolet, septolet...).

J'avais donné un cours il y a longtemps là-dessus. Ici les trois voix d'un original (on voit un peu les points ):



Et une transcription diplomatique (les semibrèves sont des crcohes, groupées en n-olets). On voit bien la fluidité :

Merci de ces précisions, Musica.

J'ai trouvé le texte que tu as souligné dans Wikipedia anglais, mais j'avoue que dans mon inculture sur cette époque, je n'ai pas compris ce dont il s'agit avec les brèves, semi-brèves et autres triplum...

Oui, je viens d'y jeter un oeil (au Wikipedia). En principe, les erreurs sont corrigées rapidement sur Wikipedia, quant il s'agit de compositeurs plus connus, qui rassemblent une plus grande communauté de connaisseurs, donc de potentiels correcteurs. Mais c'est vrai que pour certains compositeurs, surtout dans la musique plus ancienne, il y a moins d'adeptes

Au final, ça n'est pas si compliqué, son nouveau système de notation. La brève est toujours la valeur de référence (une note carrée, transcrite ci-dessus par une noire), et la semi-brève (une note losange) est la division en 2 ou 3 de la brève. Ici la division va exceptionnellement jusqu'à 6 ou 7.
A noter qu'un peu plus tard en Italie (le Trecento), on adopte un système de notation qui est assez proches de celui de Pierre de la Croix, avec des divisions de 2, à 6, 8, 9 ou 12 (senaria, novenaria, octonaria, duodenaria...), très flexible. Au contraire, dans l'Ars nova française de Machaut et autres, on rigidifie le système, avec une division binaire et/ou ternaire pour tous les niveaux.

Et pour le triplum, c'est simplement le nom de la voix supérieure dans les pièces du Moyen Age (il y a un explication ici ).

Dans cette pièce, on entend très bien la voix du haut (le triplum) qui fait des groupes de 2 3 ou plus. L'interprétation est très carrée, ce qui permet de bien saisir les subdivisions irrégulières de la brève.