Avancé in extremis samedi à 17 heures, un concert de soutien aux artistes lyriques, déjà durement éprouvés par le confinement, est organisé à l'Opéra-Comique.
Par Anne-Laure Poisson
Le 16 mars dernier, Emmanuel Macron annonçait l'instauration d'un confinement sur tout le territoire, entraînant dans la foulée la fermeture des salles de spectacle et l'annulation des festivals. Pour les artistes lyriques, c'est la douche froide : « Du jour au lendemain, alors que nous étions tous engagés dans des productions, on nous a dit "rentrez chez vous", explique le soliste Philippe Do (dans un entretien réalisé avant l'annonce de la mise en place d'un couvre-feu, NDLR). Avec d'autres chanteurs que je connais, on s'est téléphoné en se demandant "comment va-t-on être rémunérés ?" »
Et les discussions ne sont pas encourageantes : « On s'est rendu compte que rien ne nous protégeait car, d'après nos contrats, nous étions seulement payés par les représentations. » La faute à des contrats rédigés selon une vieille tradition, « devenue la norme par simplicité » mais qui, dans le contexte inédit du confinement lié à l'épidémie de Covid-19, se révèle catastrophique pour les artistes. « Alors qu'on commence à travailler avant même les répétitions, on doit souvent arriver partitions sues et, après six semaines de répétitions loin du domicile, alors qu'on a engagé des frais pour se loger, on peut avoir un théâtre qui nous dit "je ne vous paye pas parce qu'il n'y a pas eu de représentations". » Un état de fait encore compliqué par la diversité des structures juridiques susceptibles de faire travailler des artistes lyriques en France.
Des chanteurs au smic
Partant de ce constat, et aiguillés par le mari avocat de l'une des chanteuses, le collectif UNiSSON se crée pour « recenser les dysfonctionnements des pratiques professionnelles qui ne fonctionnent pas, prendre contact avec tous les acteurs de terrain et faire circuler les informations notamment au ministère de la Culture ». « On s'est rendu compte que les mieux placés pour agir, c'était nous. »
Philippe Do estime qu'il y a environ 6 000 chanteurs lyriques en France, dont une centaine « tourne » régulièrement dans les théâtres et dont les noms sont connus du grand public. « Il y a aussi tous les autres, des artistes à part entière mais qui chantent dans de petites structures, qui se produisent pour certains depuis vingt ou trente ans, dont la plupart sont au smic, se battent pour avoir leurs heures et sont dans une grande précarité. On veut défendre tout le monde et surtout ceux qui en ont le plus besoin. »
Pour cela, et pour assurer pérennité à l'association qui compte aujourd'hui 250 membres, il faut de l'argent. D'où l'idée, « proactive, à l'américaine », d'un concert solidaire – avancé à 17 heures – le samedi 17 octobre à l'Opéra-Comique. « J'ai appelé les membres d'UNiSSON et j'ai rassemblé 72 chanteurs ou solistes bénévoles. L'idée de ce concert solidaire est de n'avoir aucun air, que des ensembles. On a une affiche digne de l'Opéra de Paris : de grands noms, mais aussi de tout jeunes chanteurs, dont certains vont se produire pour la première fois de leur jeune carrière sur une scène professionnelle. Ce sera aussi l'occasion d'offrir aux spectateurs la possibilité de voir des chanteurs qui sont à un très haut niveau mais qui n'ont pas eu la chance d'être médiatisés. »
Uniquement des ensembles vocaux
Au programme, des ensembles de 2 à 16 voix de toutes les époques pour montrer toutes les possibilités du répertoire vocal, « façon gala », qui font la part belle au répertoire français et à l'opérette, opéra comique oblige, avec en prime une « surprise » du jeune compositeur Arthur Lavandier. La demi-jauge de la salle Favart laisse espérer 23 000 euros de recette, dont l'intégralité sera reversée à un fonds de dotation qui doit permettre de verser des bourses, « une dizaine », espère Philippe Do, mais dont les conditions d'attribution et le montant exact ne sont pas encore arrêtés. Le ténor, et responsable du mécénat au sein d'Unisson, espère aussi profiter de la tribune du concert, qui devrait voir la ministre de la Culture et membre d'honneur de l'association Roselyne Bachelot s'exprimer, pour évoquer les difficultés qui accompagnent les carrières musicales : « Des carrières qui peuvent paraître glamour mais dans lesquelles il y a une vraie précarité. »
Pour des lendemains qui chantent, Philippe Do souhaite pérenniser le fonds de dotation en organisant, pourquoi pas, de nouveaux concerts solidaires mais aussi développer une plateforme juridique pour les adhérents de l'association et arriver à la promotion d'un contrat « responsable » qui prendrait en compte les spécificités du métier. Alors que le concert de samedi semblait augurer l'espoir d'une amélioration de la situation, l'annonce mercredi par Emmanuel Macron de la mise en place d'un couvre-feu pour au moins quatre semaines en Île-de-France et dans huit métropoles a replongé le monde du spectacle vivant dans l'incertitude. Avant une extinction définitive ?
Concert solidaire UNiSSON, le 17 octobre à 17 heures à l'Opéra-Comique. Le concert sera diffusé par France Musique le 31 octobre.