Si les compilations réunissant des extraits d'oeuvres de compositeurs sont plutôt fréquentes dans le classique et la musique de film, elles me semblent déjà plus rares chez les contemporains. Je m'étais toutefois procuré à une époque celle, chez Olympia, qui présentait des extraits de symphonies, sonates, concertos, ballets, quintettes...du compositeur russe Mieczyslaw Weinberg (Vainberg). C'était d'ailleurs ma première entrée dans le vaste corpus de ce compositeur qui fut à la fois très prolifique et très gâté par l'industrie du disque qui l'a généreusement enregistré. En général, je ne suis pas friand des compilations et préfère découvrir une symphonie ou un quatuor dans son intégralité. Mais il arrive que parfois - et ce fut le cas avec Weinberg - je me laisse tenter par la compilation à partir du moment où elle demeure à un prix attractif. Elle permet de se faire une idée sur l'horizon musical du compositeur et de repérer les oeuvres dont l'extrait retenu nous retient le mieux.
J'ai renouvelé l'expérience, il y a quelques années de cela, avec un autre compositeur russe, Oleg Jantchenko. La compilation en question était d'un prix clément et réunit un mouvement (God's verb) de sa Symphonie n°6 - Apokalypse d'une durée de 23' 14", la quatrième partie (Dialogue; Ein feste Burgist unser gott) tirée de Musikalische Aufpferung pour choeur d'enfants, orgue, violoncelle, cloche et trompette d'une durée de 7' 37", l'oeuvre complète Dom zu Speyer pour orgue avec soprano d'une durée totale de 19' 27" et l'Allegro Moderato de sa symphonie n°2 Andrej Rublev bénéficiant d'une orchestration originale; ténor, clavecin, piano, orgue, cloches, synthétiseur et orchestre symphonique. C'est une approche assez accessible qui n'ignore ni la tonalité ni le lyrisme. Il n'est par ailleurs guère étonnant de la teneur dramatique de sa symphonie n°6 lorsqu'elle porte comme sous-titre "Apokalypse". La pièce avec choeur d'enfants qui suit est très plaisante, très gracieuse. Don zu Speyer fait partie des rares oeuvres contemporaines pour orgue seul que je peux écouter en entier avec plaisir. Souvent, j'ai connu la mésaventure de l'orgue abusant des clusters à répétition, de celui qui vous crache sa puissance "divine" en pleine figure comme si c'était sa seule vertu. Chez Jantchenko, l'orgue est bien plus intéressant et déploie toutes les couleurs et les nuances qu'il propulse généreusement de ses entrailles, sa puissance ancestrale n'y étant le plus souvent que suggérée, esquissée. L'orgue est sinueux et irisé, lumineux ou plus sombre, tout dépend des moments. La soprano Larissa Piatigorskaya n'intervient qu'en début de l'oeuvre. La composition la plus "moderniste" est finalement sa Symphonie n°2 si j'en crois le mouvement Allegro Moderato. C'est aussi la pièce qui me captive le plus, par le jaillissement sonore qui en émane. C'est très créatif à ce niveau, surtout lorsqu'intervient quelque chose qui se rapprocherait d'une voix d'homme (le ténor?) et se transforme peu à peu à un son électronique de plus en plus sinueux, proche du theremin.
Eléments biographiques:
Oleg Yanchenko qui est aussi connu sous cet orthographe: Oleg (Grigorevich) Jantchenko était un organiste et compositeur russe né à Moscou le 18 juin 1939 et mort le 12 janvier 2002 dans la même ville. Fils spirituel d'une école russe exceptionnelle que formèrent Prokofiev, Chostakovitch et Rostropovitch, il devient un éminent héritier d'une grande tradition musicale. Jantchenko joue alors un rôle important à la maison russe, gagne la reconnaissance en 1997 par le président russe Boris Eltsine qui lui a décerné le titre d'artiste d'intérêt national.
Elève particulièrement studieux dans les années politiquement hostiles à ces études; la musique sacrée de l'Europe de la Renaissance ; a-t-il pris aussi connaissance de l'art musical de Johann Sebastian Bach . Il fonde l'Orchestre de Chambre de Minsk qu'il a dirigé jusqu'en 1993 avec l'ensemble de la musique ancienne "Madrigalisti Moscou". Les activités de chef d'orchestre et organiste - il a été président des organistes russes - de Jantchenko se croisèrent avec celles du compositeur qu'il était, partagé entre une oeuvre personnelle et une musique différente, écrite pour le théâtre et le cinéma.
Il a écrit six symphonies , dont la dernière intitulée Apokalypse conjugue l'emploi de la voix et celui de l'orgue avec les résultats de sonneries polyphoniques, sans adhérer à un sérialisme radical.
Symphonie n ° 1 "Eroica" (écrit en mémoire de son père tombé à Matthausen)
2 Concertino pour Basse et Orchestre de Chambre (1968)
Concerto pour clavecin et orchestre (1969)
Concerto pour violon et orchestre (1972)
Play "Balanciok" (1974)
Symphonie n ° 2 "Andrei Roublev" (1977)
Play "Cagliostro" (1978)
Symphonie n ° 3 "Belaya Viesna" (1980)
Symphonie n ° 4 «Slova Polk Igor" (1984)
1985, bande sonore du film "Allez voir" d'Elem Klimov
Concerto Grosso n ° 1 pour trompette, timbales et orgue (première performance 1987)
1987 "Dom zu Speyer" pour Orgue avec soprano
1986 Psaume 150 pour double chœur et orgue
1987-1990 Ave Maria pour soprano et orgue; Disposition des Ave Maria de Caccini pour soprano, trompette, choeur et orgue; Santa Maria, pour mezzo soprano, chœur et orgue
Symphony No.5 "En mémoire de Michel-Ange"
1994, Symphony # 6 "Apokalypse" sur le texte de l'apôtre saint Jean.
Il a vécu plusieurs années dans la province d'Alessandria. À partir de 1994 il occupe la chaire des orgues au Conservatoire de Moscou. Il s'éteint le 12 janvier 2002 à l'âge de 63 ans.
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