Alessandro SOLBIATI, né en 1956

J'ai découvert et aimé la musique d'Alessandro Solbiati au travers d'un énergique TRIO D'ARCHI: << Le mode de composition de Solbiati fait alterner des moments où il semble privilégier une architecture formelle d'ample respiration, et d'autres où prévalent le morceau court et l'immédiateté de l'image pour stimuler l'écriture. Le TRIO D'ARCHI composé entre 1991 & 1993, est un exemple de cette dernière démarche. La composition a subi au cours du temps de nombreuses retouches. Entre autres, un des morceaux a été supprimé. TRIO D'ARCHI témoigne du parcours d'approfondissement de la composition classique déjà entraperçue dans QUARTETTO CON LIED, oeuvre légèrement antérieure. Les cinq petits morceaux surprennent par la concision, l'essence absolue et l'extrême clarté de chaque geste figuré. De l'attachement à quelques procédés créatifs - la mélodie, le choral, la tension grandissante, le parcours du chaos à l'organisation dirigée - naissent de brefs morceaux d'un fort impact sonore.>> Paolo A Calderone. Je suis en parfaite osmose avec l'analyse de Calderone qui exprime parfaitement ce que je ressens à l'écoute de ce trio à cordes qui est pour moi l'un des plus intéressants de la musique dite "moderne". Une autre oeuvre qui m'a marqué jusqu'à aujourd'hui est son CANTO PER ANIA (1992) pour violoncelle et orchestre. Il y a des oeuvres qui me touchent par leur sens du lyrisme et de la belle mélodie, comme ça peut être le cas avec la musique de Fausto Farroni, compositeur contemporain, lui aussi italien, mais qui suit une toute autre voie que celle empruntée par Solbiati. CANTO PER ANIA me plait pour son sens du rythme mais surtout pour ses recherches timbrales et ses judicieuses combinaisons sonores. C'est une musique qui, dans l'absolu, m'est moins émouvante et chaleureuse que celle de Farroni, en revanche, elle m'est bien plus intéressante, et dans une certaine mesure, plus fascinante. L'émotion ressentie, parce qu'il ne s'agit finalement pas d'autre chose, est plus cérébrale, intellectuelle, sans doute moins spontanée qu'avec Farroni.

Outre le son du cymbalum qui a toujours été séduisant à mon oreille, j'aime bien le caractère étrange et inquiétant de cette musique:

Eléments Biographiques:

Né en 1956 à Busto Arsizio, près de Milan, Alessandro Solbiati étudie au Conservatoire de Milan avec El Perrotta (piano) et Sandro Gorli (composition). Parallèlement, il suit de 1977 à 1980 les cours de Franco Donatoni à l'Accademia Musicale Chigiana de Sienne. Entre 1978 et 1981, il remporte de nombreux concours de composition en Italie (Varese, Rome, Belvaglio, Turin...). Outre des titres obtenus aux Concours Internationaux "Karlheinz Stockhausen" de Brescia et "Alfredo Casella" de Sienne, il reçoit en 1983 la médaille d'argent dans la section musique du Concours Saint-Vincent. En 1985, il représente l'Italie à la Tribune internationale des compositeurs avec Di Luce. En 1989, a lieu la création mondiale de Attraverso à Brescia, qui marque ses débuts à l'opéra, et de son oratorio NEL DESERTO au Centre Georges-Pompidou. Programmé par des très nombreuses institutions musicales (la Biennale de Venise, l'IRCAM, Radio-France, la Fondation Gulbenkian de Lisbonne, la BBC...). Sobiati s'est vu commander des oeuvres par la Scala de Milan, la Rai, les orchestres Sainte-Cécile (Rome) et Giuseppe Verdi (Milan), les ensembles Alternance et 2e2m, les festivals de Metz ou Sydney. Alessandro Solbiati est depuis 1982 professeur de fugue et de composition au Conservatoire "Giovanni Battista Martini" de Sologne. En 1996, il a enseigné au Centre Acanthes d'Avignon, et a été nommé professeur de composition au Conservatoire "Giuseppe Verdi de Milan.

Bof... Le cymbalum c'est quand même plus beau dans Hary Janos (Kodaly) et dans la musique roumaine ou hongroise en général

Ici je n'ai pas réussi à aller jusqu'au bout...

Je ne suis pas surpris, outre mesure, et pour me faire pardonner d'avoir chahuté tes petites oreilles, voilà en exclusif un cymbalum bien plus romantique :

En effet, c'est quand même mieux (mais tu triches, c'est de Morricone ) Morricone, si bien dans ses musiques de films, mais moins...ailleurs...

Hélas, je ne connais rien de très tonal chez Solbiati. En plus, je ne crois pas qu'il ait composé pour le cinéma.

Ces derniers temps, j'ai écouté pas mal de choses, surtout des contemporains qui , à l'exception de Lorenzo Ferrero, optent pour un "langage résolument moderne" au sens où on l'entend ici, histoire de se faciliter les choses. J'ai notamment écouté cinq oeuvres de Alessandro Solbiati;  

___Canto per Ania pour violoncelle et ensemble (1992)
___By my Window II pour piano et ensemble (2001)
___Quattro Pezzi pour piano et percussions (1999)
___Ach. So Früh? pour soprano et sept instruments (version 2003)
___Mi Lirica Sombra pour clarinette basse et ensemble (1993)

A l'écoute des oeuvres de Solbiati, je me suis fait la réflexion que j'ai finalement le même rapport ambigu qu'avec la musique de Franco Donatoni. Je suis partagé entre deux sentiments, l'un plutôt positif retenant les grandes qualités timbrales et  recherches d'une ambiance tantôt mystérieuse, tantôt onirique - sur ces points d'appréciation, mes préférences vont surtout pour Canto per Ania et By my window II - l'autre plus négatif et réticent envers une musique un peu trop inflexible dans sa "modernité", "sans concession" qui, selon mon humble avis, en limite la fantaisie et la portée poétique. Pour ces raisons, je lui préfère d'autres "modernes" tels que Joan Guinjoan, Sylvano Bussotti, Luciano Berio, Ennio Morricone, Aldo Clementi. Si j'aime certains passages sur ce disque, je préfère me référer à l'album de musique de chambre par lequel j'avais découvert ce compositeur, notamment son dynamique et saisissant Trio d'Archi. Alessandro Solbiati, et cela malgré les qualités musicales que je lui reconnais, ne fait plus désormais partie des compositeurs que j'ai envie d'approfondir. Comme pour Donatoni, sauf si j'ai l'occasion d'écouter une oeuvre qui me plait vraiment, je vais me contenter de ce que j'ai.

En réécoutant, ce soir, Canto per Ania pour violoncelle et ensemble et By my Window II pour piano et ensemble, je dois bien admettre que la musique d'Alessandro Solbiati me fascine suffisamment pour ne pas me donner la mauvaise envie d'abandonner trop vite ce compositeur, ce qui va un peu à l'opposé de mon précédent message. Tant mieux! Le concerto pour violoncelle vaut surtout pour ses passages plus relâchés, l'introduction est par exemple magnifique, onirique comme d'autres moments. Cela s'explique par des constructions musicales et une recherche timbrale qui ne manquent pas de force. Ce sont les passages plus animés qui sont plus crispés et crispants: ils me ramènent d'un trait du rêve à la réalité et c'est peut-être finalement ce que je reproche à Solbiati: il brise les rêves qu'il construit par des "crispations" sonores complexes mais, au fond, mon oreille finit par accepter ces ruptures, les accepter de mieux en mieux. Dans la longue introduction de By my Window, j'y entends au moins une flûte qui chante comme un oiseau. Les sonorités du piano se mélangent avec celles de l'orchestre, il en résulte alors une peinture sonore glacée, fascinante, claire-obscure, accidentée et toute en mouvement, onirique elle aussi par ses timbres venus d'ailleurs.  

Je l'avais déjà dit ici mais les réécoutes réservent aussi de véritables surprises dans l'appréciation et compréhension d'une oeuvre. Je viens d'en revivre l'expérience avec Quattro Pezzi pour piano et percussions qui, lors d'écoutes précédentes, ne m'avaient pas convaincu. Cette fois, j'ai totalement adhéré au jeu des percussions et du piano que j'ai trouvé particulièrement vivant, coloré et ludique. Ach, so Früh? (version 2003) pour soprano et 7 instruments ne m'avait pas davantage emballé précédemment, mais une nouvelle écoute m'a visiblement permis d'aborder cette musique sur un angle plus avenant: le second extrait est magnifique. Il en ira du même élan positif à l'encontre du concerto pour clarinette basse et ensemble Mi Lirica Sombre que j'avais l'impression de découvrir, comme si je venais de l'écouter pour la première fois. En conclusion, j'ai la sensation d'avoir mieux saisi la poétique musicale d'Alessandro Solbiati, de ne pas être resté définitivement figé sur son corrosif Trio à cordes qui était jusque là son oeuvre la plus fascinante à mon oreille: un "moderniste" qui offre, certes peu de concessions à ceux qui sont réfractaires à la musique atonale...mais qui compose une musique "difficile" et attachante à la fois si on veut bien se laisser conquérir par le caractère onirique de ses moments les plus inspirés et s'y on accepte surtout la contemporanité de son propos.  

Ca m'ennuie un peu de revenir parler toujours des mêmes oeuvres mais je n'ai pas eu beaucoup d'occasions d'écouter de nouveaux opus d'Alessandro Solbiati, il faut reconnaître que je n'ai pas vraiment cherché non plus. Ne pas en déduire pour autant que je me désintéresse de sa musique, bien au contraire, des "modernes" ou des "atonaux" comme certains les appellent, je trouve que Solbiati n'écrit pas une musique trop ascétique ni qui puisse être considérée comme imbitable, même si je reconnais que tout cela dépend, quoi qu'on en dise, de l'appréciation de chacun. En tous les cas, des oeuvres comme Canto per Ania (1992) pour violoncelle et ensemble et By my Window II (2001) pour piano et ensemble ne présentent à mon esprit rien d'hermétique, plutôt un monde sonore singulier et infiniment poétique. D'ailleurs, ces deux opus ont sur moi un atout précieux: elles bénéficient, chacune, d'une fin très réussie, subtile et poétique. J'adore terminer une écoute sur une impression d'exquis. Lorsqu'une fin ou une partie finale ne me comble pas, j'ai toujours la sensation d'une oeuvre inachevée ou mal finie. Une petite frustration s'installe alors que toutes les autres parties de l'oeuvre m'ont fasciné. Avec ces deux compositions concertantes d'Alessandro Solbiati, mon plaisir est progressif et touche à l'exquis sur les parties finales qui apportent une dimension onirique à l'ensemble. D'une écriture très rigoureuse, cérébrale, ascétique, s'échappe quelque-chose d'essentiel et de profondément musical. Une meilleure connaissance de son corpus s'impose. Ces derniers mois, j'écoute beaucoup moins de musique qu'avant. Le cinéma, mon autre passion, a conquis plus d'espace sur mon temps libre et je n'ai pas encore trouvé un bon équilibre entre les deux, si bien que mon cycle italien sur douze compositeurs passe en second plan. J'avais quand même réécouté Rappresentatione di Anima & di Corpo d'Emilio de Cavalieri, une oeuvre ambitieuse qui m'a plongé dans une époque et une esthétique bien éloignées de celle d'Alessandro Solbiati. Mais là aussi, dans ce drame lyrique, je trouve la fin sublime, exquise...

Alessandro Solbiati entre parfaitement dans la catégorie des "modernistes" au sens où on l'entend généralement pour désigner des compositeurs qui écrivent une musique contemporaine engagée dans l'atonalité. Pour ce cycle qui fait la part belle à cette approche en particulier, je n'ai pas retenu certains noms qui, en Italie, sont considérés comme les piliers de la musique moderne, Nono, Scelsi, Berio, Sciarrino.... Je ne possède presque rien du dernier cité et je ne voulais surtout pas réaliser un cycle trop fastidieux. D'ailleurs, j'ai déjà prévu après ce cycle une autre série d'écoutes qui rassemblera d'autres compositeurs italiens de la seconde moitié du vingtième siècle qui, eux, ont composé une musique bien plus lyrique sans qu'il ne s'agisse de musique de film. L'album que j'ai réécouté entre cet après-midi et ce soir contient cinq opus d'Alessandro Solbiati par l'Ensemble Orchestral Contemporain et le Divertimento Ensemble:

___Canto per Ania pour violoncelle et ensemble (1992) - Valérie Dulac (violoncelle) - Daniel Kawka: direction

___By my Window II pour piano et ensemble (2001) - Ancuza Aprodu (piano) - Daniel Kawka: direction

___Quattro Pezzi pour piano et percussions (1999) - Ancuza Aprodu (piano) - Thierry Miroglio (percussions)

___Ach. So Früh? pour soprano et sept instruments (version 2003) - Margherita Chiminelli (soprano) - Sandro Gorli: direction

___Mi Lirica Sombra pour clarinette basse et ensemble (1993) - Maurizio Longoni (clarinette basse) - Sandro Gorli: direction

Je reviens encore une fois aux mêmes oeuvres car je n'en ai toujours pas découverte de nouvelles chez ce compositeur, et aussi parce que j'avais envie de mieux approfondir ce que je connais déjà. En relisant mes précédentes impressions qui s'étalent sur plusieurs années, je me suis amusé de l'évolution de celles-ci et du chemin qui s'est tracé jusqu'en février 2020. Si j'en crois ma première impression qui remonte à décembre 2012, je me situais un peu entre deux eaux, ni réfractaire ni complètement séduit. Puis, au fil d'écoutes espacées dans le temps, ma réception de ces musiques s'améliore alors qu'elles auraient pu se détériorer. Dans chacune de ces cinq oeuvres, ce sont d'abord des ambiances qui m'ont intéressé ci et là, que ce soit dans Canto per Ania, By my Window II ou encore Quattro Pezzi qui est à mon oreille la pièce la plus ludique des cinq présentées ici. Lors de la première écoute (2012) c'était l'opus que j'aimais le moins de l'album. Aujourd'hui, je peux avancer sans risque que c'est celui que j'aime le plus. Bon, pas au point de détrôner son Trio à cordes qui demeure mon opus préféré de Solbiati.

Comme je l'ai écrit, ce sont des ambiances qui me retiennent: ils correspondent à des passages, à des moments, à de plus ou moins longs fragments musicaux au sein de l'une de ces oeuvres; ça peu être un jeu entre les percussions et le piano (Quattro Pezzi), entre le piano et quelques éléments de l'orchestre: une combinaison instrumentale qui va créer une ambiance, un mystère, une partie qui va paraître improvisée dans laquelle un paysage sonore semble se dessiner "sous mes yeux", ça peut être un flottement harmonique, une suspension, comme dans le second extrait de Ach, so früh? ou en introduction de Canto per Ania, ou une frénésie quelque-part dans Mi lirica sombra. C'est sans aucun doute en cela, en tout ce que je viens d'écrire, que le sens d'une musique au sens classique du terme n'est pas indispensable à mon émotion. Ainsi, une musique peut m'intéresser, m'émouvoir, me transporter en étant purement abstraite et sans avoir un sens clairement défini au sens classique du terme.